Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Octobre > 23

23 octobre [1845], jeudi matin, 11 h. ¾

Mon petit bien-aimé, je suis encore une fois en proie aux fumistes. Je ne sais à quel saint me vouer. Tout est sansa dessus dessous chez moi. La poussière, la suie, les gravas ont tout envahi. Je ne sais plus où me réfugier et que devenir. Je n’entrevois pas même qu’on puisse jamais venir à bout de faire aller ces cheminées. J’ai un mal de tête fou. Je ne sais pas ce que je dis ni ce que je fais, je suis imbécileb. Je t’écris en courant. Je surveille ces gens le plus que je peux pour les empêcher de tout abîmer et je n’y parviens pas. Je suis bien malheureuse. Je n’ai pas encore fait ta tisanec, ainsi tu juges si je suis occupée. Cependant je me dépêche pour que tu l’aies tout à l’heure quand tu viendras, car j’espère que tu viendras tout à l’heure. Rien ne peut distraire ma pensée de toi et lui donner le change. Il n’y a pas d’[illis.] au monde qui puisse me faire oublier l’heure à laquelle tu dois venir. Je n’oublie pas non plus que c’est aujourd’hui qu’on doit t’apporter des ceintures. Si tu pouvais être là quand on viendra, tu les choisirais toi-même et j’aimerais mieux cela de toute façon. Je sens que tout ce que je te dis est bête comme un choud et ne vaut pas la peine d’être dit, mais je suis si contrariée et si blaireuse que je ne peux pas trouver autre chose de plus aimable à te dire. Tout reste au-dedans de moi sans en pouvoir sortir. Où en es-tu toi, mon Toto, avec tes maçons et tes architectes ? As-tu aussi beaucoup d’ariase et de gâchisf ? D’ailleurs je ne vois pas ce que je gagnerais à cette calamité de chez toi ? Tout ce que je pourrais espérer, ce serait que tu compatissesg à mes maux en sentant les tiens et toute réflexion faite, j’aime encore mieux que tu sois tranquille, propre et heureux chez toi et que tu te moques de ma misère que de te savoir aussi malheureux que moi.
Je suis stupide, pardonne-moi. On aurait le cerveau ramollih à moins. Je t’aime plus que jamais. Voilà ce qui est bien sûr.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 73-74
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « sens ».
b) « imbécille ».
c) « ta tisanne ».
d) « un choux ».
e) « aria ».
f) « gâchi ».
g) « tu compatisse ».
h) « ramoli ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne