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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juillet [1842], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour ma vie, bonjour tout ce que j’aime, bonjour mon adoré, bonjour, bonjour, comment vas-tu mon pauvre bien-aimé, comment va ta chère petite menotte, est-elle désenflée ? Comment le petit garçon a-t-il passé la nuit [1] ? Je voudrais savoir toutes ces choses, mon adoré et je voudrais te baiser depuis la tête jusqu’aux pieds. J’ai envoyé le paquet à ma péronnelle [2] ce matin qui est déjà toute consolée de sa séparation d’avec moi. Tant mieux, la pauvre enfant, qu’elle n’ait pas pris racine ici puisqu’elle ne doit jamais faire qu’y passer. J’en ai moi-même moins de chagrin. Ce serait en effet une affreuse douleur que de savoir son enfant malheureux loin de soi. Mais avec elle je suis bien tranquille, elle n’aura jamais la maladie du papa dans notre position à toutes les deux, c’est plutôt un bien qu’un mal. Quand je verrai Mlle Hureau ou sa sœur, je lui dirai tout ce que tu m’as dit hier et j’espère que cela sera compris et senti par tout le monde et que tes bons conseils triompheront enfin de l’indolence et de l’apathie de ma fille. Il faudra de mon côté que je stimule les maîtresses par des apparitions plus fréquentes. Et comme l’enfant me craint un peu, peut-être ma présence répétée dans cette maison sera-t-elle d’un bon effet. D’ailleurs je ferai ce que font toutes les mères. En attendant me revoilà tout à fait seule. Je n’avais pas besoin de ce redoublement d’isolement pour souffrir de ton absence et pour te désirer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 205-206
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


3 juillet [1842], dimanche après-midi, 1 h.

Où es-tu, mon cher adoré ? Que fais-tu, comment vas-tu ? À qui penses-tu et qui aimes-tu dans ce moment-ci ? Voilà des questions auxquelles il serait très facile de répondre pour moi-même de loin. Je suis chez moi, je t’écris, je pense à toi, je souffre de ton absence, je te désire et je t’aime. Tout ceci peut être dit à coup sûr à quelque heure du jour que ce soit et quelque temps qui fasse. De toi, ce n’est pas la même chose, malheureusement, et mon esprit est toujours en quête de tes actions, de tes pensées, de ta santé et de celle de ta chère petite famille, de ton cœur et de ton amour. Je voudrais bien qu’il te prît envie de venir baigner tes beaux yeux. Je te verrais, je saurais de tes nouvelles et de celles du petit garçon, et je pourrais te baiser un peu à mon aise. Tâche donc d’éprouver ce petit besoin-là le plus tôt possible et de venir le satisfaire, tu me combleras de joie. J’ai mal au cœur et à la tête à ne savoir que devenir. Depuis hier au soir je suis toute mal à mon aise. Cela se passera, surtout si tu viens tout de suite me donner du courage, de la joie et du bonheur. Jour Toto, jour mon cher petit o, il paraît décidément que je suis volée et que je n’aurai aucun pot d’indemnité. Voime, voime fort peu délicat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 207-208
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor Hugo est convalescent.

[2Juliette désigne ainsi sa fille Claire, pensionnaire, à Saint-Mandé, dans une institution dirigée par Mlle  Hureau et sa sœur, Mme  Marre.

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