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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 janvier [1849], mercredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon pauvre amour adoré, bonjour. Quand je pense qu’il faut que tu fassesa encore un bon dîner aujourd’hui, les larmes m’en viennent aux yeux et l’eau à la bouche : pauvre Toto, et dire qu’il faudra que tu te sacrifies encore dimanche, cela fait frémir. Es-tu bien sûr que d’ici là tu n’auras pas quelque dévouement impromptu à dévorer ? Quelque vertueuse soularderie à vider jusqu’à la lie ? Je n’ose pas l’espérer ; on te sait trop bon citoyen, trop bon ventre, trop grand cœur et trop grand TOUT pour ne pas abuser de toutes ces aimables qualités. Quant à moi je n’y crois pas et je m’attends à quelquesb nouveaux et hideux sacrifices auprès desquels ceux du jour et de la veille ne seront que de simples collations de trappistes en carême. Du reste cela vous va si bien que vous faites bien de vous sacrifier à bouche que veux-tu. La seule chose que je blâme c’est votre continence avec moi. Je demande trois heures de partage comme ces pauvres rouges de juin [1]. Pour une Juju de juillet ça n’est pas très exorbitant et je ne comprends pas que vous vous y refusiez. Songez que, trop chargé l’essieu casse, le mur sans fondement s’écroule subito et qu’une Juju à jeun de tous les côtés peut se porter à toutes les extrémités non prévues par votre constitution.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/28
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « fasse ».
b) « quelque ».


24 janvier [1849], mercredi matin, 11 h.

J’aurais mieux aiméa rester chez moi à t’attendre, mon adoré, mais puisque tu dînes en ville dans le [faubourg  ?] et que Suzanne de son côté va faire ripaille il vaut mieux que je ne reste pas chez moi absolument toute seule toute la soirée. Et puis tu m’as fait espérer que tu viendrais me chercher ! Rien que cela me fait désirer d’aller chez Eugénie qui du reste était au comble de la joie de ma proposition. Elle me l’avait déjà offert d’une manière timide et détournéeb et je n’avais pas paru la comprendre pour ne pas la refuser parce que j’espérais que tu dînerais chez toi et que ton seul voisinage est un attrait pour moi plus grand que toutes les distractions, les dîners et les compliments possibles. Mais enfin puisque tu dînes en ville et que tu seras dans le quartier d’Eugénie j’aime mieux t’attendre là avec l’espoir de te voir un moment que t’attendre ici avec la certitude que tu ne viendras pas. Tout cela n’est pas nécessaire à dire à moins que tu n’ouvres la cosse de ces mots insignifiants pour en extraire l’amour et les tendresses qui sont dedans. Mon Victor adoré, tu ne sauras jamais combien je t’aime et combien c’est vrai que tu es mon univers et mon éternité.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/29
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « aimer ».
b) « détourné ».

Notes

[1Référence à l’insurrection de la misère qui a éclaté le 23 juin 1848 et à la répression sanglante qui a suivi.

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