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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 juin 1845

25 juin [1845], mercredi matin, 11 h.

Merci, mon Toto, merci mon amour d’être venu ce matin faire ta lecture Florinesque [1] chez moi, merci. À cette condition je te permets d’apprendre par cœur les turpitudes de cette COMÉDIENNE. Porte-moi. Vous voyez que je ne demande pas mieux, au contraire. Cela devrait t’encourager à venir plus souvent quand tu vois le bonheur que tu me donnes. Maintenant il ne faut pas m’ôter ce que tu m’as donné ce matin parce qu’au lieu de deux joies dans la journée, cela ne m’en ferait toujours qu’une. Tu es assez coutumier du fait, beaucoup trop même. Aussi je ne serai sûre de mes deux bonheurs que lorsque je les tiendrai. Eulalie vient de s’en aller pour renouvelera les deux reconnaissances. Quel ennui et quel désastre dans une maison que ce genre de dette ! Je crois qu’il vaudrait mieux le feu, au moins les cendres ne vous coûteraient rien, tandis qu’autrement, c’est une ruine permanente. C’est une de mes plaies vives celle-là. Chaque fois que j’y touche en pensée, je sens qu’elle me fait mal. C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute, je le reconnais. Mais cela ne remédie à rien. Mon Victor adoré, tu ne te plains pas, toi sur qui tout cela retombe. Tu es mon Victor généreux, dévoué et adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 337-338
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « renouveller ».


25 juin [1845], mercredi après-midi, 4 h.

Vous voyez, mon cher petit bien-aimé, que vous êtes incorrigible et que vous n’avez pas la moindre bonne foi, car enfin vous n’êtes pas venu tantôt baigner vos yeux, comme c’est votre habitude, de sorte que votre petite visite de ce matin n’est pas le moins du monde un veloursa mais mon strict b. Aussi je ne vous en remercie pas. Vous pouvez vous en flatter. Je ne vous en ai pas la moindre reconnaissance. Vous êtes venu lire votre délirante Flore [2] et reprendre votre argent. Voilà tout. Quant à mon bonheur, vous n’y avez pas songé le moins du monde et si je l’ai pris, c’est que je l’ai bien voulu. Taisez-vous, vilain, je vous détesterais si je pouvais. Ce n’est pas l’envie qui me manque, allez. Convenez que vous n’auriez que ce que vous méritez. À propos, le renouvellement s’est monté à beaucoup moins haut que je ne l’avais pensé d’abord : 72 francs 6 sous. J’avais bien envie de garder l’excédent pour moi, sans en rendre compte à personne qu’au marchand de nouveautés. Mais je n’ai pas voulu être en reste de délicatesse avec Mlle Flore, ARTISTE du Théâtre des Variétés, et j’ai remis vertueusement l’argent dans mon tiroir. Seulement je désirerais savoir combien il faut que je fasse de traits de ce genre pour avoir droit au plus gros prix Montyon [3] ? En attendant ce renseignement, je vous adore malgré moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 339-340
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « un velour ».
b) « mon stricte dû ».

Notes

[1Victor Hugo lit alors les Mémoires de Mlle Flore en trois volumes, publié en 1845, écrit par Dumersan et Gabriel, récit d’anecdotes et d’histoires plus ou moins fantaisistes sur la vie de la comédienne.

[2Victor Hugo lit alors les Mémoires de Mlle Flore en trois volumes, publié en 1845, écrit par Dumersan et Gabriel, récit d’anecdotes et d’histoires plus ou moins fantaisistes sur la vie de la comédienne.

[3Les prix Montyon ont été créés par Jean-Baptiste Antoine Auget, baron de Montyon. À partir de 1780, il fonda des prix annuels : expériences utiles aux arts (1780), ouvrage littéraire le plus utile à la société (1782), acte de vertu fait par un français pauvre (1783), question de médecine utile (1787). Plus tard, il laissa le soin à l’Académie des Sciences et à l’Académie française de décerner les différents prix Montyon.

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