Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Avril > 26

26 avril [1845], samedi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto adoré, bonjour, mon cher amour, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Moi, j’irais très bien si je n’avais pas mal à la tête et si je te voyais. Voilà un temps fait exprès pour Claire. Il n’en fait jamais d’autre le jour où elle sort. Elle m’arrivera tantôt toute mouillée et toute crottée, c’est ennuyeux. Quant à vous, mon Toto, je pense que c’est aujourd’hui que vous débutez dans les pairs-nobles [1]. C’est aujourd’hui que vous mettez le costume à manger le rôti de l’administration. Je vous souhaite bon appétit. J’aurais voulu assister à la chose, non pour la viande, mais pour la plume d’autruche et tout ce qui s’en suit [2]. Malheureusement, vous ne pensez à moi que lorsque vous me voyez, c’est-à-dire presque jamais et je suis toujours oubliée dans mon coin même dans les occasions les plus intéressantes et qui me tiennent le plus au cœur. Ça n’est pas très juste mais c’est parfaitement ennuyeux. Ce matin, je suis comme le temps. J’ai envie de pleurer et je voudrais pouvoir être méchante à profit. Car de la BONNE méchanceté qui ne tombe sur personne, c’est du bien de perdu et je ne vois pas que le jeu en vaille la chandelle. Encore si vous veniez, je pourrais en fourrer un peu dans votre paletot, cela me soulagerait d’autant, mais vous ne viendrez pas, vous êtes trop occupé et trop pressé pour songer à donner un peu de joie à votre pauvre Juju. Taisez-vous, vilain. Je vous dis que les femmes vous trouveront très laid avec votre bel habit. Voime, voime, [c’est le chat  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 99-100
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


26 avril [1845], samedi soir, 9 h. ¼

Cher adoré bien-aimé, tu es bien gentil d’être revenu ce soir et tu le serais encore bien cent milliards de fois plus si tu revenais encore tout de suite. J’avais commencé la journée assez maussadement, croyant que je ne te verrais pas de la journée mais j’ai été bien agréablement surprise en te voyant deux fois, ce qui m’a renduea aussi gaie que j’étais triste, aussi heureuse que je craignais de l’être peu.
Mais qu’est-ce que je ferai de mes CENT SOUS, mon Dieu ? Oh ! je veux acheter quelque chose de PHAME qui éternise dans les siècles à venirb votre munificence d’aujourd’hui. Mais qu’est-ce que j’achèterais bien, dites ? Il m’est venu une idée, c’est-à-dire que je croyais qu’il m’était venu une idée mais je m’étais trompée tout bonnement. Il faudra que je me consulte pour savoir à quoi j’emploierai cette magnifique pièce de cent sous. En attendant, je la tiens et je ne la lâcherai qu’à bon escient.
Mon petit Toto bien aimé, je t’attends, nous t’attendons, car ma péronnelle ne donne pas sa part au chat. Elle vous attend, la scélérate, et elle vous désire, la malheureuse. Elle ne se doute pas du danger qu’elle courtc, la pauvre enfant. Quant à moi, je vous attends et je vous supplie de venir bien vite tout de suite, si vous pouvez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 101-102
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ce qui m’a rendu ».
b) « avenirs ».
c) « elle coure ».

Notes

[1Jeu de mots avec l’emploi de tragédie des « pères nobles ». Victor Hugo prête serment à la Chambre des pairs le 28 avril 1845.

[2Victor Hugo porte un costume pour prêter serment : « un habit d’une coupe similaire à celui d’académicien, mais d’aspect plus austère : les parements se limitaient aux manchettes et au collet ; quant à l’épée, elle était toujours aussi sobre. » (JMH, t. I, p. 953).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne