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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juin 1844

16 juin [1844], dimanche matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon petit homme ravissant. Comment vas-tu ce matin ? Il fait un temps à souhait pour sortir et pour marcher. Si tu n’es pas trop en train de travailler viens me voir. Si tu ne le peux pas, je tâcherai de me raisonner et de me trouver bien heureuse. C’est aujourd’hui que Lanvin doit te porter Fouyou à moins qu’il n’ait un chat tout prêt à te donner, auquel cas je garderai mon Fouyou, que je te donnerai à regret, je l’avoue. Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime plus que tout au monde, je vous aime, je vous aime, je vous aime. Je t’aime, mon Victor adoré. J’ai bien par ci par là des moments tristes et douloureux, mais, je ne changerais pas mon amour contre aucune des joies de ce monde ni de l’autre. Si cela vous contrarie, j’en suis fâchée. Jour Toto, jour mon cher petit o, venez me voir tout de suite, je vous en suppliea. J’ai votre petit cordon de cheveux arrangé toujours pour rien. C’est assez commode car s’il fallait payer toutes vos maladresses, et celle-là en particulier, le trésor de Louis-Philippe ou de Rothschildb n’y suffirait pas. Je m’empresserai de rentrer dans ma chaîne qui n’est pas en sûreté dans vos mains, je le dis très sérieusement, scélérat de filou. Baisez-moi bien vite et aimez-moi si vous ne voulez pas faire connaissance avec mon grand couteau.
Pense à moi, mon Toto, n’oublie pas que tu es ma vie et ma joie tout entière.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 155-156
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « suplie ».
b) « Rodschill ».


16 juin [1844], dimanche soir, 11 h.

Je t’écris en t’attendant, mon cher petit Toto, quoique tu m’aies presque assuré que tu ne viendrais pas ce soir. Mais le désir et le besoin que j’ai de te voir me tiennent lieu d’espérance ; c’est ce qui fait que je t’attends toujours. Tu es bon pour moi, mon cher adoré, au-delà de toute expression. Ce soir encore, tu as été au-devant d’un petit désir que j’avais formé. Je t’en remercie, mon bien-aimé, et je désire que le bon Dieu te donne à toi toutes les bénédictions et tout le bonheur que ce pauvre vieux prêtre ne manquera de lui demander pour moi. Depuis que je t’aime, je suis superstitieuse. J’ai le cœur rempli de désirs et de craintes. Je m’adresse à tous les saints du Paradis pour obtenir que tu m’aimes et je supplie Dieu à tous les instants de ma vie de te protéger et d’éloigner de toi tous les maux qui affligent la vie. Je ne suis pas un esprit fort, ni même un esprit du tout, je suis une femme qui t’aime plus que sa vie. Pense à moi, mon Victor bien aimé, et viens cette nuit à quelque heure que ce soit. Maintenant que Suzanne est sur pieds, est-ce que tu ne viendras pas déjeuner avec moi ? Il y a si longtemps que cela ne t’est arrivé que je crains que tu n’en aies oublié le chemin. Si tu peux me prouver le contraire, je ne demande pas mieux. En attendant, je reste là à voir tourner mon ombre sur mes pieds. Ça n’est pas très gai, je t’assure, mon cher petit Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 157-158
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

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