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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 octobre [1842], mardi après-midi, 2 h. ¾

Bonjour mon cher petit bonhomme, ne soyez pas en route pour Saint-Prix [1] et je vous ferai dea belles images. Je peux même vous les faire tout de suite pour peu que cela puisse vous retenirb. Juju hésitant entre la lune et le croissant, paysage du GRRRRRRRAND artiste Toto. Si cela ne vous retient pas pour quinze jours à Paris, je renonce à mes pinceaux, je brise ma palette et je vous flanque une pile soignée pour vous apprendre à ne pas apprécier mon mérite et mon TALENT. J’ai eu la visite de Mme Ledon et puis j’ai FAIT MON MÉNAGE, ce qui m’a conduit jusqu’à présent sans avoir pu finir mon gribouillis. La mère Ledon a été de l’avis de Mme Pierceau et j’ai décidé qu’on ne ferait pas une CLOCHE de mon châle. J’attendrai que tu [puisses me  ?] donner une petite SONNETTE en mérinos noir. Allons, voilà une autre sonnette ou SORNETTE, la fille de Madame Ribot vient de venir me dire que sa mère avait réfléchi que c’était trop peu de chose que quatre mille francs  !! Et qu’elle n’acceptait pas  !!! Tu devines ma réponse sans peine, n’est-ce pas, mon adoré, elle a été assez énergique pour donner à penser à cette vieille sorcière et la faire mettre de l’eau dans son vin. Du reste, la fille a été fort convenable et a paru convaincue de la justesse de mes observations et de la générosité de mes offres. Elle doit revenir me rendre la réponse définitive de sa mère. J’ai dû lâcher les QUARANTE francs par mois pour faire bonne bouche à cette hideuse sempiternelle. Nous verrons si elle acceptera. Tout ceci, mon enfant, m’a conduit jusqu’à plus de six heures sans que j’aie même eu le temps de passer ma chemise bleue. Je viens de faire allumer le feu car je me meurs de froid. J’ai bien peur que tu ne sois plus à l’Académie mais à Saint-Prix. Voici l’heure bien avancée déjà et tu n’es pas venu prendre ta drogue. Ce serait finir bien tristement une journée dont la seconde partie a été si ennuyeusec et si maussade. Il est vrai que depuis cinq semaines je n’ai pas mis le pied dans la rue. Il est encore vrai que je ne peux pas m’habituer même à la pensée de ton absence. C’est ce qui me rend la vie si douce et si agréable dès que tu n’es plus auprès de moi. Enfin, mon amour, si tu es parti, sois aussi heureux que je le serai peu et tu le seras plus que beaucoup.

Juliette.

BnF, Mss, NAF 16350, f. 149-150
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « des ».
b) Dessin de Juliette brandissant des images pour retenir Hugo

© Bibliothèque Nationale de France

c) « ennuieuse ».

Notes

[1Les enfants de Victor Hugo, ainsi que sa femme, sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise. Victor Hugo va donc régulièrement les y rejoindre

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