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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 septembre 1842

3 septembre [1842], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour mon pauvre Toto bien aimé. Bonjour mon amour, bonjour ma vie, ma joie, mon âme. Es-tu content ? Ton petit garçon va-t-il aussi bien que tu le désires ? Toute ta chère petite famille est-elle bien contente et bien heureuse de t’avoir ? Elle doit l’être plus que beaucoup, si elle l’est autant que je le suis peu depuis que tu es parti [1]. Cependant, mon adoré, je sais que cela ne peut pas être autrement. Je ne t’en fais pas un reproche, mon Dieu, mais je te dis ce que je veux, comme je te dis que je suis à la joie de mon cœur quand tu es auprès de moi. J’ai peur que ce vilain temps d’hier ne t’ait redonné tes douleurs. Si tu avais attendu à aujourd’hui, tu aurais eu beau temps et moi moins d’inquiétude et un jour de bonheur en plus. Mais tu étais impatient de voir ton cher petit convalescent [2], de faire connaissance avec la fameuse ânesse dont parle L’ÉCRITURE [3] et d’embrasser tous les autres goistapioux en masse et en détails. C’est ce qui t’a fait partir malgré la pluie, la goutte, le vent et le mal de gorge. Enfin, il faut espérer que le bonheur et le soleil d’aujourd’hui te préserveront de la mauvaise influence du froid et de l’humidité d’hier. Il faut toujours espérer le bien, surtout quand on a des raisons de craindre le mal. Pense à moi, mon cher amour, à moi qui n’ai pas d’ânesse, pas d’horizon, pas de bonnes lettres, pas de ravissants dessins, rien pour les yeux et pour le cœur dès que je t’ai perdu de vue et reviens bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 109-110
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette


3 septembre [1842], samedi après-midi, 2 h. ¾

Encore une journée bien longue et bien triste, mon adoré, puisse-t-elle être la dernière jusqu’au moment de te revoir. Mais j’ai grand peur que tu ne fasses ton DIMANCHE à Saint-Prix. Si cela était, mon pauvre amour, je ne sais pas comment je ferais car j’ai de ton absence plus que je n’en peux supporter déjà. Comment vas-tu mon bien-aimé ? Comment va ta gorge, comment vont tes reins, comment vont tes petites pattes ? Je ne suis pas tranquille à cause du temps qu’il a fait hier. Cependant, si j’entendais mes intérêts, je devrais te souhaiter plaies et bosses puisqu’il n’a que ça qui puisse me donner le bonheur de t’avoir quelques instants avec moi. J’ai écrit tantôt à Mlle Hureau et à ma fille. Je ne pouvais plus guère attendre plus longtemps et j’ai pris mon parti ; si je n’ai pas réussi à me faire comprendre, vous pourrez dire votre mea culpa car ce sera des millions de fois votre faute. Baisez-moi mon Toto chéri et ne soyez pas trop heureux loin de moi ou du moins dépêchez-vous de l’être tout votre saoula et revenez-moi bien vite. Je vous aime, mon Toto chéri, je vous aime autant que vous êtes aimé de tous vos petits anges et plus encore puisque je vous aime comme moi je peux aimer, ce qui ne peut pas s’évaluer. Ne reste pas plus tard que jusqu’à ce soir, mon Toto, si tu ne veux pas me tourmenter et m’attrister beaucoup. Je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 111-112
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « sou ».

Notes

[1Les enfants de Victor Hugo, ainsi que sa femme, sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise. Victor Hugo va donc régulièrement les y rejoindre.

[2François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[3L’Écriture : la Bible.

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