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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mars 1837

25 mars [1837], samedi, midi ½

Bonjour cher bien-aimé, bonjour mon petit homme adoré. Quel temps, quel temps ! Il faut bien que ce soit toi pour me décider à mettre un doigt hors du lit, mais aussi pour toi je ne connais ni neige, ni glace, je suis femme à passer la nuit en chemise dans ta cour pourvu que j’aperçoivea ta silhouette sur le rideau de ta grande fenêtre. Je vous aime moi. Je vous aime comme une insensée qui ne sens ni le chaud ni le froid excepté son amour. Aujourd’hui c’est le jour où les cheminées fument et où Juju adore. Inconvénient que tu n’as pas encore senti assez pour te faire désirer dans cette saison une cheminée sans feu et une femme sans amour et je crois que tu auras raison de penser toujours ainsi, car vois-tu mon cher adoré, c’est bien rare de rencontrer une femme aussi exclusivement dévouée à son amour que moi. Je ne dis pas cela pour me faire valoir, mais pour te prier de ne jamais mépriser mon amour qui est ma vie.
Jour mon petit Loto, jour un cher petit homme, je tousse beaucoup et je crois que mon arête s’en est allée dans une quinte. Je profite de cela pour vous baiser à mon aise sur toutes vos coutures, car il y a conscience à vous déshabiller de ce temps-ci.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 307-308
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « apperçoive ».


25 mars [1837], samedi, midi ¾

Vous savez mon cher adoré, que je vous dois une lettre d’hier, et comme je suis femme de bon compte, je vous la rends dans ce moment-ci. Je vous aimais hier comme je vous aime aujourd’hui, comme je vous aimerai demain, comme je vous aimerai toujours. Aussi ce que j’ai à vous dire ne diffère-t-il en rien de ce que je vous ai dit tout à l’heure et de ce que je vous dirai tantôt. Ce sera toujours la même chose, pour changer, je t’aime, je t’aime, je t’aime et voilà.
Je voudrais bien que tu pusses venir de bonne heure aujourd’hui, car avec tout cela je t’ai à peine vu hier et ça me manque plus que le soleil, dont je n’ai que faire quand je t’ai. Vous seriez donc bien bon et bien gentil, mon petit Oto, de venir. Voici Mme Lanvin et Turlurette accompagnées de deux pots de primevères charmants. Je vais me lever pour aller chercher la reconnaissance dans la chambre.
Jour, jour, viens que je te baise encore. J’ai une autre lettre à te donner dans laquelle je serai moins pressée.
Jour, onjour, onjour, mille baisers sur votre bec.

Juju

BnF, Mss, NAF 16329, f. 309-310
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


25 mars [1837], samedi, 1 h. ¼ après midi

Je suis si bien en train de vous dire que je vous aime, mon cher adoré, que je ne peux pas m’arrêter. Je profite de l’instant où Mme Lanvin est là-bas pour t’écrire encore, cher bijou adoré. Vous êtes le bien-aimé de votre pauvre Juju qui ne vous le dira jamais assez au gré de son désir, y passât-elle tout son temps et toute sa vie. Aussi n’est-elle jamais qu’à moitié satisfaite.
Vous vous êtes moqué beaucoup trop de moi hier, vous êtes un méchant Toto et pour vous punir la première fois que j’aurai quelque chose à vous copire, je ne ferai pas une seule faute. Voici Mme L. [1] revenue, nous n’avons pas encore déjeunéa et tu connais la célérité de ma serventre, au reste nous sommes résignées d’avance.
Je n’ai pas envoyé de commissionnaire chercher le pantalon de Claire, J’espère que Mme P. [2] aura la complaisance de me l’envoyer d’ici à ce soir et que Mme L. l’emportera en s’en allant et puis je vous baise, car vous êtes mon Toto bien aimé, et puis voilà, et bien d’autres gentillesses du cœur et de l’âme que je vous donne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 311-312
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « déjeuners ».


25 mars [1837], samedi soir, 9 h. ¾

J’ai le cœur trop plein pour attendre jusqu’à demain, ma foi je me risque à vous écrire plus que vous ne le voulez.
Saviez-vous mon Toto bien aimé que vous étiez bien ravissant tantôt et que je vous aurais mangé tout cru, n’était le respect que je dois à la candide Turlurette. Mais en vérité vous étiez beaucoup trop charmant, chère âme de ma vie. Ce que je te dis avec le ton du badinage, je le pense bien sérieusement et bien dévotement dans le fond de mon cœur. Oui tu es bon, oui tu es charmant, oui tu es noble, oui tu es généreux, oui, oui, tu es tout cela et par dessus tout tu es mon amant bien aimé, bien adoré, pour qui je donnerais mon sang et ma vie mille fois, si tu daignais l’accepter. Ton petit tableau est ravissant. Je l’ai posé sur ma cheminée d’où on le voit très bien et je commence à croire qu’il a un vrai mérite qui ne m’avait pas frappé tout d’abord, parce que je suis d’une ignorance plus crasseuse que celle qui couvrait ton chef-d’œuvre tantôt. Je crois que nous avons dans nos mains un vrai trésor et si Louis-Philippe veut me l’acheter pour en enrichir le muséea je le lui cède, pour un bon et beau et long voyage à deux tous frais faitsb. Voilà le prix que j’en veux sans cela je le garde für mich en vous baisant bien pour vous remercier et en vous aimant bien pour la peine.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 313-314
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « musé ».
b) « tout frais fait ».

Notes

[1Mme Lanvin.

[2Mme Pierceau.

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