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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 février [1837], dimanche midi

Bonjour, bonjour mon cher cher bien-aimé. M’aimes-tu un peu ? Moi je t’aime de toute mon âme. As-tu passé une bonne nuit mon cher adoré ? Moi je me suis endormie que fort tard de 4 à 5 h. et je dormirais encore maintenant sans un violent coup de sonnette tiré par mon bonnet. Je n’en suis pas fâchée, ça fait que je t’écris, que je pense à toi et que je t’aime quelques heures plus tôt. Il fait encore bien beau temps ce matin. Si tu peux me faire sortir, je n’en serai pas fâchée.
J’ai écrit à Mme Pierceau de venir aujourd’hui parce que vous m’avez menacée de remporter vos beaux, vos admirables vers pendant quelques jours et moi je tenais à faire partager le trop plein de mon admiration et de mon enthousiasme à quelqu’un et je vous assure que cette bonne femme là est plus que toute autre en état de comprendre et de sentir sinona la beauté littéraire, au moins celle de la pensée et de l’âme que vous avez répandueb à grands flots dans cette dernière œuvre. Je crains malgré ma lettre qu’elle ne vienne pas aujourd’hui. Tant pis pour elle et aussi tant pis pour moi qui manquerai une occasion de dégonfler mon cœur de trop d’amour et d’adoration.
Jour mon petit oto, je vous n’aime, jour vieux brise cœur, jour vieux tranche passion. Jour, vous êtes une vieille bête et votre conquête (Mme [Barville  ?]) est une vilaine Laide et moi je suis très jeune très belle et très ravissante.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 181-182
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « si non ».
b) « répandue ».


19 février [1837], dimanche après midi, 4 h. ½

Mon cher petit Toto bien aimé, je suis tout à fait guérie. Il n’y a plus rien du tout, le mal est parti. Aussi je suis à votre disposition et à votre discrétion quand et où vous voudrez et comme vous voudrez. Je serais bien sortie si vous étiez venu me chercher au lieu de rester chez moi à croquer le marmot [1].
Mme Pierceau ne vient pas et ne viendra pas, ce qui m’est à une seule chose près indifférent. Mais vous mon adoré, que je vois si peu, et que je ne verrai jamais assez, pourquoi ne venez-vous pas ? Est-ce que c’est encore aujourd’hui jour de rendez-vous ? Vous devriez réserver au moins un jour dans la semaine pour votre pauvre vieille Juju, ce ne serait pas trop il me semble.
À quand L’ORGIE ? à quand ..... ??????a Il est probable que vous aurez oublié le chemin depuis le temps reculé où vous y êtes allé pour la dernière fois. Toto... Toto, mon petit Toto vous me faites l’effet d’être un affreux bandit et un fieffé scélérat.
Je suis sur le point de me venger d’une façon terrible et originale. Prenez garde à vous, vieux gredin. Maintenant je passe d’un grave au doux, du stupide à l’absurde. Je vous aime, je vous aime, je vous aime, il y en a comme ça long comme d’ici là-bas. Et puis encore en attendant je vous appelle, je vous désire, je vous attends et je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 183-184
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) Les six points d’interrogation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Locution populaire qui signifie « attendre en vain ». Selon Furetière, « ce proverbe vient apparemment des compagnons peintres, qui quand ils attendent quelqu’un se désennuient à tracer sur les murailles quelques marmots ou traits grossiers de quelque figure », mais selon Guiraud elle signifierait « attendre devant une porte en cognant impatiemment le heurtoir ». (Claude Duneton, Le Bouquet des expressions imagées, Seuil, 1990, p. 599).

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