Mardi soir, 8 h. ½
Qu’est-ce que vous dites donc vous, que je m’ennuie avec vous, en voilà une sévère par exemple et un peu durea de café. Vous mériteriez toutes sortes de choses sur le nez pour m’avoir dit une chose aussi extraordinaire dans la chose. Moi, m’ennuyer avec vous quand je n’en ai pas même tout mon saoulb de vous, quand je me lèche les barbes rien que de vous apercevoir une minute à travers la pluie ?, la poésie et les cabriolets de place, venir me dire que je m’ennuie avec vous. Dieu de Dieu, faut-il être homme de lettres pour dire une chose pareille. Si j’avais bien su, je ne vous aurais pas confié ma bourse, parce qu’enfin, avec les sentiments que vous m’avez manifestésc ce soir, on ne sait pas ce qui peut arriver.
Je n’ai pas encore dînéd. Telle que je vous parle, mes haricots ne veulent pas cuire. Qu’est-ce qui l’aurait cru quand je les épluchais moi-même tantôt. Je me distraise de cette famine momentanée en préparant toutes mes affaires pour demain. J’ai déjà mis de côté tous mes livres et je compte vous demander ce soir de me reprêter Notre-Dame de Paris.
En attendant le plaisir, la joie, le bonheur de vous voir, mon cher petit homme, je pense à vous et je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 136-137
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « dur ».
b) « sous ».
c) « manifesté ».
d) « diner ».
e) « distrait ».