Dimanche après-midi, 3 h. moins 10 m.
Bonjour, mon cher petit jaloux qui portez des pièges à loups dans votre portefeuille. Il faut convenir que vous êtes bien stupide et bien injuste envers nous deux. Convenez-en au moins, que j’aie cette satisfaction. Vous ne savez donc pas, grand poète que vous êtes, que le meilleur des pièges à loups, c’est l’amour ? Si vous ne le savez pas, je vous l’apprends, non pas que je veuille vous empêcher de tendre vos collets, mais parce que je vous dois toute la vérité. Maintenant, tendez vos trébuchets, employez toutes vos ruses, je m’en soucie comme de ça. Je vous aime, ça m’est bien égal, mon piège vaut mieux que le vôtre.
Vous savez que je suis seule, tout à fait seule, ce serait bien à présent le moment de venir me surprendre. Ceci est un conseil que je vous donne dans vos intérêts.
aIl paraît que je suis vouée à ma portière. Elle est encore montée chez moi aujourd’hui pour me parler d’une corde à puits ? qui m’a tout l’air d’une ficelle. Enfin, je l’ai écoutée sans lui donner de solution, attendant que tu m’aies donné ton avis.
Je m’en vais raccommoder votre gant. Convenez que je suis fièrement bonne de vous entretenir gratuitement de mon industrie en tout genre. Je vais aussi lire mon Indépendant [1]. J’espère y trouver quelque fine critique de vos monstruosités littérairesa qui me vengera de toutes vos cruautésb. En attendant, je vous baise les mains et même les pieds, ils sont assez petits pour être mis par-dessus le marché.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 71-72
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « monstrusitées littéraire ».
b) « cruautées ».