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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, samedi matin [12 septembre 1835], 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon bien-aimé, bonjour, tout ce que j’aime le plus au monde. Suis-je assez malheureuse, le jour où je pouvais aller au devant de toi il fait un temps à ne pas mettre une amante à la porte. Pour peu que ce temps-là continue, nous aurons fait une jolie spéculation en venant à la campagne. Ne pas nous voir, souffrir beaucoup, voilà pour nous. Quanta à moi, j’ajouterai à ce bénéfice beaucoup de jalousie et d’ennui, plus le bois que je brûle, etc., etc., etc. C’est vraiment bien charmant.
Je te remercie bien, mon bon petit Toto, d’être venu me voir hier au soir. Je n’ai pas eu le temps de te laisser voir toute ma joie, tout mon bonheur, tu étais déjà reparti. Mais n’importe. Dans le chagrin de te voir partib aussitôt arrivé, il y avait bien du bonheur de t’avoir vu. Pauvre ange, j’espère que tu ne te seras pas trouvé mal de cette course forcée et que je n’aurai pas de remords de ma joie. Tu as vu, mon pauvre ange, que je ne te quittais pas, au moins de la pensée. C’est comme cela que je fais tous les jours et à tous les instants de ma vie. Les convenances rigoureuses ne sont pas toujours observées mais que m’importe les convenances quand il s’agit de bonheur. D’ailleurs, MOLIÈRE lui-même s’affranchissait de ces convenances. Je ne vois pas pourquoi JUJU ne suivrait pas son exemple.
Je n’ai pas encore pu envoyer à la poste. Je suis bien malheureuse. J’ai tant besoin de quelque chose de toi. Je t’aime, je t’adore, je t’attends.

Juliette

Il fait un fameux temps pour dormir. Si le cœur t’en disait, j’ai un petit lit charmant que je t’offre.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 248-249
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « quand ».
b) « partie ».


Aux Metz, samedi soir [12 septembre 1835], 7 h. ½

Pauvre cher bijoua, vous êtes parti par un bien vilain temps, heureusement qu’il n’a pas continué pendant tout votre voyage. Lorsqueb vous vous en alliez sans regret de me quitter, moi, je vous suivais de l’âme et des yeux ; pendant bien longtemps, votre chapeau m’a servi de perspective sans que vous vous en soyez douté. Vous avez été bien méchant et bien bon tantôt, mais le bon l’emportant sur le méchant, je vous pardonne.
Quel temps, quel temps, mon Dieu ! On dirait la fin du monde. L’eau tombe par torrents et le vent semble s’être donné pour tâche de déraciner tous les arbres. Je ne sais pas si mes pressentiments me trompent mais je ne pense pas avoir le bonheur de vous voir ce soir et mon talisman sera obligé de me servir deux nuits de suite à mon grand regret.
Pourvu qu’il ne fasse pas ce temps-là demain pour que je puisse aller au devant de vous. J’ai toujours peur que cette maudite pluie n’efface bien des heures de notre bonheur. Voilà pourquoi je regrettais tantôt le séjour de Paris parce que là du moins on est à l’abri de tous les mauvais temps. Tout cela prouve que je vous aime, que je ne peux pas vivre sans vous.

Juliette

Le temps se calme un peu, peut-être viendras-tu, oh, je serais bien heureuse si cela était.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 250-251
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « bijoux ».
b) « lorsque que ».

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