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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, vendredi matin [11 septembre 1835], 8 h. ½

Bonjour, mon adoré, hélas, hélas, le temps ne s’annonce pas plus beau aujourd’hui qu’hier. J’espère pourtant que tu trouveras un moyen quelconque d’arriver jusqu’à moi, pauvre abandonnée. À défaut de jalousie, j’espère que la pitié te remémorera ceci : Qu’importe ce que peut un nuage des airs, Nous jeter en passant de tempête et d’éclairs ? [1] et que je te verrai aujourd’hui ne fût-ce que le moment de te voir. Mais j’ai besoin de te voir, je veux te voir.
J’ai été réveillée cette nuit par des huissiers. L’étonnement m’a réveillée et comme ma veilleuse était éteinte et que j’avais cru entendre des pas dans le jardin, j’ai ralluméa ma bougie et j’ai vub qu’il était 4 h. ¾, qu’il faisait mauvais temps et que par conséquent, j’avais peu de chance de vous voir, ce qui m’a remplic l’âme de tristesse. Enfin je me suis rendormie et j’ai fait un rêve charmant, mais ce n’était qu’un rêve. Vous veniez me chercher pour faire notre voyage en me disant qu’on resterait aux Roches. Pendant ce temps-là, j’étais bien contente et bien heureuse. Lorsqu’en me réveillant j’ai revud l’affreux temps qu’il faisait, cela m’a un peu désenchantée et me voilà de nouveau triste et inquiète, ne sachant pas si vous viendrez. Si vous m’aimiez autant que je vous aime, vous viendrez malgré le déluge lui-même. Mais, mais, mais, moi, c’est différent. J’ai plusieurs fois affronté la mort l’année dernière pour vous voir. Nous verrons ce que vous ferez en cette occasion.
Je vous aime, je vous désire, je vous aime, je vous désire, je vous aime, je vous désire.

Juliette

Je vais me mettre au coin du feu car j’ai froid jusque dans les os. Je vais penser à vous bien fort.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 246-247
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « rallumée ».
b) « vue ».
c) « remplie ».
d) « revue ».

Notes

[1Juliette emprunte cette réplique à Hernani répondant à doña Sol, dans Hernani (1830), drame de Victor Hugo en cinq actes, acte I, scène 2 : « Moi ! je brûle près de toi ! / Ah ! quand l’amour jaloux bouillonne dans nos têtes, / Quand notre cœur se gonfle et s’emplit de tempêtes, / Qu’importe ce que peut un nuage des airs / Nous jeter en passant de tempête et d’éclairs ! ».

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