6 février 1859

Guernesey, 6 février 1859, dimanche matin, 9 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’aime. J’espère que tu as passé une bonne nuit bien longue et que tu es content de toi ce matin. Quant à moi, je guette la première apparition du printemps pour reprendre avec toi nos charmantes promenades. Jusqu’à présent, il n’y a eu que de pâles imitations de soleil et beaucoup trop de vraie pluie pour nous risquer dans les petits sentiers, voire même les grands chemins. En attendant que nous puissions faire des promenades SÉRIEUSES, je grimpe et je regrimpe en FOLÂTRANT^a mes trois étages et je ne m’en porte pas mieux pour cela. Mais je ne veux pas reprendre ce CANTILÈNE assommant, c’est bien assez d’en savoir la note par cœur. Demain j’irai prendre un bain, tâche d’être prêt en même temps pour en prendre un de ton côté. Il te sera facile de te faire servir selon ton goût avec l’aide de la couturière pour truchement. Du reste, quand je dis facile de te faire comprendre, c’est difficile que je devrais dire et même impossible, ce qui serait plus juste et plus dans la langue de la susdite. Mais enfin, tu ferais bien d’en essayer demain puisque Terrier est d’accord que cela peut te faire du bien. Quant à moi, je ne saurais attendre plus longtemps. Ainsi, demain, quelque temps qu’il fasse, je me jetterai à l’eau. En attendant, c’est à votre cou que je me jette et j’y reste. Juliette.

BnF, Mss, NAF 16380, f. 34
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « fôlatrant ».