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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1843

30 avril 1843, dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour mon cher Toto bien-aimé, bonjour mon cher amour adoré. Je te remercie d’être venu cette nuit mon Toto car sans ta visite il est plus que probable que j’aurais passé une mauvaise nuit au lieu de dormir comme un sabot… qui rêve de son Toto et qui l’aime de tout son cœur, de sabot.
Ce que tu m’as dit de ton somnambule commence à m’intéresser. Mais surtout ce qui m’a remué le cœur c’est cette scène avec ton petit Toto. Pauvre petit bien-aimé, tu ne m’avais jamais dit qu’il eût été malade à ce point. Pauvre ange bien-aimé, si je l’avais su, je me serais réunie à toi pour le magnétiser car, si je nie certains phénomènes magnétiques, je ne nie pas ceux qui viennent du cœur et qui consistent en un désir ardent de préserver et de soulager de tout mal ceux qu’on aime. C’est dans cette conviction, mon Toto adoré, que je te prie, à l’avenir, de me dire tout ce qui t’arrive à toi ou aux tiens car, outre la part de soulagement que je peux apporter en y mettant toute mon âme, tu me prives du triste bonheur de souffrir avec toi et tu m’exclus de la meilleure partie de toi-même. Je ne sais pas si tu me comprends, mon Toto, car mes idées sont comme la vue magnétique des somnambules, très indécises et très confuses sur le papier quoiqu’elles soient très senties et très claires dans ma pensée et dans mon cœur. Mais je t’en prie mon bien-aimé, dis-moi toujours tout ce qui t’arrive d’heureux, et surtout de malheureux car c’est pour t’aider et pour t’aimer dans ces occasions-là que Dieu m’a mise au monde.
J’ai reçu une lettre de Mme Pierceau que j’ai reconnue à l’écriture et à un cachet que je t’ai déjà expliqué. Je l’ai ouverte, me doutant qu’il devait y avoir quelque chose de pressé puisqu’elle m’écrivait le jour où elle devait venir. Bien m’en a pris puisque c’était pour me dire qu’elle serait chez moi tantôt, à trois heures avec M. Démousseau. Elle ajoute qu’il a été reconnu tout de suite par le Garnier [1] en question, lequel lui a remis tous les papiers en disant s’en rapporter à lui sur tout ce qu’il ferait. C’est pour t’entendre avec moi à ce sujet qu’il viendra aujourd’hui. Malheureusement, je ne saurai que lui dire si tu n’es pas là. J’en serai quitte pour lui dire que je lui écrirai notre décision à tous les deux. En attendant, mon Toto, je me dépêche comme une dératée pour être prête à les recevoir. Je t’aime mon Toto chéri, tu dois sentir cela malgré toutes les distances et tous les obstacles qui sont entre mes baisers et ta bouche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 81-82
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À identifier.

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