Lundi soir, 7 h. ¾
Je conviens que j’ai été méchante avec toi tout à l’heure, mais avant tu ne sais pas ce que j’ai souffert à t’attendre. Vois-tu, mon cher bien-aimé, tu ne devrais jamais me laisser sur une pensée triste, sur un souvenir fâcheux et avec la conscience d’une injustice que tu viendrais de me faire parce que tout cela dans le profond isolement où je vis devient de vrais chagrins, des vraies inquiétudes et des vrais griefsa contre toi.
À présent, tout est oublié, pardonné. Je ne t’en veux plus, je ne suis plus triste, je ne suis plus inquiète. Je t’aime, voilà tout. J’espère que toi aussi tu ne m’en veux pas de ma maussaderie de tout à l’heure, et que tu ne m’en aimesb que davantage, à cause du chagrin que tu m’as fait hier et un peu tantôt. J’espère que tu m’as pardonnéec tous MES TRINES, et que nous sommes à l’heure qu’il est les meilleurs amis et les plus amoureuses gens de la terre. Quant à moi cela est sûr, pour vous je ne réponds pas car, qui sait comment est fait votre cœur, mon beau lion féroce [1].
Je vous attends pour aller chez le Janisset et partout ailleurs où vous voudrez. Et puis je vous aime de toutes mes forces.
Juliette
Nous irons demain, n’est-ce pas, pour ma petite Claire.
[Adresse]
À mon cher petit homme
BnF, Mss, NAF 16323, f. 98-99
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « grief ».
b) « aime ».
c) « pardonné ».