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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juin 1842

22 juin [1842], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher amour, comment va notre petit malade ? Bien, n’est-ce pas mon Toto chéri, et toi aussi n’est-ce pas, mon cher adoré ? Je vis dans cet espoir et avec la pensée que tu vas venir tout à l’heure me le confirmer et que je t’embrasserai de toute mon âme pour la peine. Quel Bonheur !!!!!a Si ce cher petit enfant veut mes dessins, donne-les lui, c’est le plus grand sacrifice que je puisse lui faire et je le fais de très grand cœur si cela peut lui donner un moment de joie et hâter sa convalescence. Pauvre cher petit, c’est bien vrai que c’est de bon cœur que je vous les donne comme c’est vrai que je vous aime, mon petit ami, et que vous êtes un pauvre petit ange. Maintenant, mon grand Toto, dépêchez-vous de venir bien vite me donner les nouvelles que je désire et que j’attends et je serai une très heureuse Juju. Je n’ose pas vous prier de nous mener à Hernani ce soir, parce que je sais que vous n’êtes pas entrain jamais de voir vos pièces, encore moins lorsqu’elles sont mal jouées [1]. Mais moi je n’ai pas la même délicatesse de goût, pourvu que j’entende vos admirables vers, je ne m’occupe pas de la personne qui les dit. Je suis heureuse, je vous admire, je vous adore et voilà tout. Les acteurs et les [actrices ?] peuvent être aussi hideux et aussi mauvais qu’ils le veulent, je ne m’en aperçoisb pas. Mais enfin je comprends que dans ce moment-ci tu as peu le cœur au spectacle quel qu’il soit mon pauvre amour, et je n’insiste pas [2]. Je t’aime mon Victor chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 165-166
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) Les cinq points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « apperçoit ».


22 juin [1842], mercredi après-midi, 3 h. ½

Voici un temps qui m’attriste et qui m’inquiète, pour notre pauvre petit malade, mon cher bien-aimé. Depuis quelques jours, vraiment, c’est comme fait exprès, le temps regorge de pluie et d’orages parce qu’il faudrait du beau temps doux et léger pour ce cher petit ange. Je donnerais volontiers au bon Dieu une larme pour chaque goutte de pluie qu’il garderait dans son réservoir afin que mon cher petit malade pût respirer à son aise. Quand te verrai-je, mon Toto chéri ? Je te demande moins que jamais à nous conduire à Hernani quoique ma pauvre péronnelle en meure d’envie et que moi je le désire de toutes mes forces. Mais je sais trop bien combien ta pensée est loin du spectacle et combien tout temps appartient à ce cher petit enfant et je me résigne à rester chez moi comme un pauvre chien. Il va falloir pourtant, mon cher petit homme, que tu prennes un moment pour reboucler Clarinette dont la santé et le temps se perdent à ce métier de pigeon de volière qui engraisse les volatiles mais qui maigrit et ennuie les petites filles. Nous parlerons de ça ce soir. En attendant, je t’aime, je t’attends, je te désire et je t’adore mon cher petit homme. Embrasse pour moi notre petit garçon et donne-lui de plus en plus tous mes dessins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 167-168
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Cinquième reprise d’Hernani à la Comédie-Française, dans la même distribution que l’année précédente : Beauvallet joue Hernani, Ligier don Carlos, Guyon don Ruy Gomez, Mlle Guyon doña Sol.

[2Victor Hugo passe beaucoup de temps au chevet de son fils François-Victor, qui lutte contre la maladie.

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