Guernesey, 28 mai 1860, lundi matin, 7 h.
Bonjour, mon divin, mon ineffable, mon adoré bien-aimé, bonjour. Je voudrais que ce bonjour là, quand tu le liras, apparût à tes yeux comme un morceau de mon âme et que chaque lettre, chaque syllabe de cette pauvre petite restitus allassent se poser d’elles-mêmes sur ta belle bouche comme autant de baisers envolés de mon cœur.
Cher bien-aimé, quelles douces choses tu m’as écrites hier et quel bonheur et quelle gloire pour moi de les mériter [1] ! Cependant je les reçois, ces tendresses divines, avec l’humble orgueil et la pieuse reconnaissance des saints et des anges nimbés et couronnés par Dieu. Va, mon cher bien-aimé, ni mes pieds, ni mon cœur, ni mon âme ne sortiront jamais de la voie de mon amour quelle quea soit la route que tu leur fasses parcourir en ce moment et dans l’autre. Tant qu’il restera une parcelle aimante de mon moi elle te suivra partout et malgré tous les obstacles. Dieu c’est combien c’est la sainte vérité que je dis là, mon cher, cher, cher bien-aimé et je sens qu’il m’en bénit dans la réciprocité de ton amour. Depuis hier j’ai une nouvelle constellation dans mon ciel étoilé [2]. Ce sont les sept lignes lumineuses que tu m’as écrites dont les quarante-neuf mots et les 185 lettres sont les satellites qui se meuvent autour de mon âme.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 125
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « quelque ».
b) « fasse ».