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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1853

Jersey, 4 mars 1853, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Je m’en veuxa de t’avoir laissé voir hier ce nouvel accès de tristesse et de découragement contre lequel tu ne peux rien. C’est tout à la fois absurde et cruel car c’est te donner des regrets inutiles et ajouter en pure perte l’ennui de mon isolement aux ennuis de ton exil. Je le sais bien, mon pauvre adoré, aussi chaque fois qu’il m’arrive de me laisser aller devant toi à mon humeur hypocondriaque, je suis furieuse contre moi et je me battrais de colère si je pouvais. Ce n’est pas de ta faute si j’ai manqué de prévoyance au commencement de notre amour. J’aurais dû deviner que l’ascétismeb en amour n’est possible et doux que dans la jeunesse. Plus tard cela devient la solitude morne et lugubre, presque la mort. C’est ma faute. Maintenant il n’est plus temps de renouer avec la vie extérieure et ce que j’ai de mieux à faire c’est de poursuivre courageusement mon chemin dans le désert où je me suis engagée, trop heureuse de rencontrer de temps en temps une oasis de tendresse dans lequel mon âme se repose et se rafraîchit à l’ombre de tes baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 225-226
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain
[Souchon, Massin]

a) « m’enveux ».
b) « acétisme ».


Jersey, 4 mars 1853, vendredi midi

Il me semble que tu as encore une réunion aujourd’hui [1], mon petit homme ? S’il en est ainsi, j’espère te voir bientôt à moins que tu n’y aillesa directement et sans baigner tes pauvres yeux [2]. Mais je ne le crois pas car tu es si bon pour moi que tu feras tout ton possible pour me donner la joie de te voir avant ce soir. Aussi je t’en remercie d’avance, mon Victor, et je t’attends avec confiance et avec patience. D’ici là je vais me dépêcher de faire ton eau et de t’envoyer la Suzarde qu’un repassage personnel retient en ce moment à la maison plus tard qu’il ne faudrait. Mon cher petit bien-aimé, je te souris, je suis heureuse car je t’attends et je t’aime. À bientôt, je te baise en pleine marée d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 227-228
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « aille ».

Notes

[1Membre de la société fraternelle des proscrits, Victor Hugo participe à ses longues et houleuses discussions et à ses réunions hebdomadaires dans lesquelles « la conduite et les actions de chaque citoyen sont passées au crible de la plus minutieuse et de la plus pointilleuse susceptibilité » (Juliette Drouet « Journal de Jersey », 10 janvier 1853 ; Juliette Drouet, Souvenirs, 1848-1854, op.cit., p. 305)
Membre de la société fraternelle des proscrits, Victor Hugo participe à ses longues et houleuses discussions et à ses réunions hebdomadaires dans lesquelles « la conduite et les actions de chaque citoyen sont passées au crible de la plus minutieuse et de la plus pointilleuse susceptibilité » (Juliette Drouet « Journal de Jersey », 10 janvier 1853 ; Juliette Drouet, Souvenirs, 1848-1854, op.cit., p. 305)

[2Victor Hugo souffre d’un mal oculaire chronique (voir l’article de Jean-Marc Hovasse « La vue de Victor Hugo », L’Œil de Victor Hugo, actes du colloque 19-21 septembre 2002, Des Cendres / Musée d’Orsay, 2004, p. 3-25) et se soigne parfois chez Juliette.

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