Paris, 14 juin [18]72, vendredi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher adoré, bonjour. Je voudrais bien être sûre que tu as passé une bonne nuit, mon pauvre bien-aimé, cela me dilaterait le cœur, que j’ai, je ne sais pourquoi, serré et triste ce matin. Cela ne peut pas être l’enterrement de ce pauvre Chilly que je ne connaissais pas et dont la mort était prévue depuis longtemps [1]. Toujours est-il que j’étouffe et que je ne serai tranquille que lorsque tu seras revenu de la triste corvée et que je t’aurai revu. Je te prierais, si tu n’étais pas trop fatigué ou trop occupé tantôt, de me faire un peu sortir car j’éprouve le besoin de respirer avec toi un peu d’air et de voir un peu de ciel. Malheureusement je crains que tu ne sois forcé de parler de ce pauvre mort et que le reste de ta journée ne soit déjà confisqué par tous les tenants et tous les aboutissants que tu rencontreras sur ton passage. Je m’y attends et je tâche d’en prendre d’avance mon parti en redoublant d’amour et d’adoration pour toi mon grand bien-aimé.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 167
Transcription de Guy Rosa