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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 décembre [1839], samedi soir, 5 h. ¾

J’ai eu la couturière, mon bon petit homme, à qui j’ai dû payer son mémoire puisqu’elle me l’apportait et que tu ne veux pas que je fasse des dettes. Il est vrai que ça fait une fameuse brèche dans l’argent de l’épicier mais ma foi, le premier venu [illis.], c’est assez juste. J’ai en même temps fait faire une petite modification au corsage de ma robe mais cela ne suffit pas et la première fois qu’elle viendra elle y retravaillera encore. Voilà ce que c’est d’avoir une couturière qui n’est pas de vos amies, on peut lui faire perfectionner son ouvrage indéfiniment. Tout cela, ainsi que la nécessité de me tenir prête dans le cas où tu viendrais me chercher, m’a empêché de t’écrire plus tôta, mon bon petit homme adoré. C’est moi qui t’aime ! C’est moi qui t’admire ! C’est moi qui te trouve beau C’est moi qui t’adore ! C’est bien vrai. Je voudrais baiser tes petits pieds roses. J’ai encore bien mal dans mon pauvre ventre et dans mes pauvres reins. La peur que j’ai eue hier n’y a pas peu contribué. Jamais je n’ai eu aussi peur de ma vie, c’est-à-dire que si tu avais tardé plus longtemps j’en aurais fait une maladie. Mes oreilles tintaient, mon cœur se serrait au point que je ne pouvais plus respirer. Jamais je n’avais ressenti pareille douleur. Enfin, tout est pour le mieux et je suis trop heureuse de n’avoir eu que la peur et le mal. J’ai brossé ma robe pendant une heure parce que le [toutou ?] de cette nuit m’avait travaillée et enjolivée de dessin et d’arabesque de crotte que le diable n’aurait pas pu faire partir et dont je suis venue à bout, MOI. C’est que j’ai plus de persévérance que lui et probablement beaucoup plus le désir de vous plaire. Qu’en dites-vous ? Il fait un froid de loup. Si vous venez me chercher pour faire des visites, je serai gelée car je n’ai pas de chaufferetteb. Cependant, j’aime mieux cela que de rester toute la soirée à vous attendre au coin de mon feu. Je veux vous voir, entendez-vous ? J’ai besoin de vous voir, il faut que je vous voie. Tu serais bien i si tu venais souper ce soir surtout si tu me le disais d’avance afin que je fasse cuire le fameux lapin. Je souperais avec toi, ce serait charmant et me ferait presque la journée complètec. Tâche, mon bon petit chéri. Je te baiserai bien pour la peine. À propos si vous étiez bien i, vous m’achèteriez la saucière, j’en ai justement besoin, ma mienne est toute fendue. Cependant je vous en prie à la condition qu’elle ne coûtera pas plus de 30 à 40 sous. Pensez-y, vous me rendriez service. Je vous adore, mon bon petit homme, n’oubliez pas ça dans vos courses et ne regardez pas les jolies femmes même quand elles ressemblent à Mme [illis].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 133-134
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « plutôt ».
b) « chaufrette ».
c) « complette ».

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