Guernesey, 14 mai [18]70, samedi matin, 5 h. ½
Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour et j’espère aussi bonne nuit pour toi puisque la mienne a été de tout point pareille à celle d’hier, c’est-à-dire blanche. Mais comme je crois que c’est au profit de ton propre sommeil, loin de m’en plaindre, je m’en félicite. Ma pensée est déjà en quête des nouvelles que tu recevras aujourd’hui. J’envoie mon âme en ambassade auprès d’elles pour les supplier d’être clémentes, bonnes, charmantes et tendres pour ton cœur trop éprouvé. Je suis impatiente de lire le dernier article de ton Charles qui excite à nouveau la rage du Bonaparte-Olivier. Il a beau avoir la procédure tenace, la plume de ton fils est plus persévérante encore et ce n’est pas lui qui cessera d’écrire. En attendant il serait bon d’avoir quelques morceaux de Cacane [1] et de Petit Georges à nous mettre sous la dent car le besoin s’en fait si vivement sentir que j’en ai des tiraillements de cœur. Tout doit être bien prêt à les recevoir chez toi maintenant. Quant à moi mes cocottes sont depuis longtemps sous les armes têtes et queues levées pour la cérémonie officielle.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 133
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette