Guernesey 5 mars [18]70, samedi matin, 7 h. ½
C’est à peine, mon cher bien-aimé, si j’ose te dire bonjour du bout de ma plume tant je suis enrhumée. Il me semble même que mes pattes de mouche doivent être contagieuses et ce n’est pas sans une certaine inquiétude que je te les envoie ce matin. J’espère que ta nuit a été bonne et que ta GAMBE [1] ne t’a pas trop tourmenté. Moi j’ai dormi de pièces et de morceaux malgré le mal de tête et de gorge qui ne fait que croître et enlaidir depuis que je suis éveillée tout à fait. Somme toute je vais bien puisque mes autres misères me laissent tranquille en ce moment. Le temps lui-même n’est pas en beaucoup meilleur état que moi et on dirait que le ciel est en proie à un vaste CORYZAa qui en chiffonne jusqu’au ciel. Comme vous le voyez, mon cher adoré, je mouche et j’éternue en haute compagnie et je vous adore par-dessus les étoiles.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 65
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « corrizza ».