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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 décembre [1836] 1836, samedi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon très cher petit homme, je vous aime fin décembre 1836 comme je vous aimerai premier janvier 1837, c’est une habitude prise, c’est-à-dire une seconde nature, comme vous savez ; et encore cette comparaison n’est-elle pas juste car ce n’est pas par habitude que je vous aime, mais je vous aime parce que je vous aime, parce que mon amour c’est ma vie.
Vous devez trouver bien uniforme la manière dont je vous le dis, avec moi les jours se suivent et se ressemblent, contrairement au proverbe reçu. C’est qu’aussi je vous aime toujours également, passionnément.
J’ai envoyé chercher ma Claire, ce matin. Elle n’était pas prête, de sorte qu’on me l’amènera ce soir. Quanta à moi, je suis levée, habillée et disposée à aller chercher mon bois, si tu peux venir me chercher.
Mon bon petit Toto adoré, j’ai une grâce à vous demander, je désire bien que vous ne me la refusiez pas, c’est de m’écrire une bonne petite lettre que je recevrais demain par la poste [1]. Dussiez-vous gémir sur ma prodigalité accoutumée, je n’aurai jamais eu autant de bonheur à dépenser trois sous. Ces trois sous seront dans ma vie trois heures, trois jours, trois semaines, trois ans, trois siècles, une éternité de bonheur si je vis encore dans l’autre monde. Mon petit Toto, je t’en prie bien, je serai bien bonne, bien sage et bien économe toute l’année, si tu m’accordes ce que je te demande.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 293-294
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « quant ».


31 décembre 1836, samedi soir, 5 h. ¾

C’est vous qui êtes bon, c’est vous qui êtes charmant et c’est encore vous qui êtes le plus aimé des hommes. Je vous promets mon petit Toto de laisser dans le vieux sac vide de 1836 tous les défauts que vous déplaisent, au risque de le remplir par-dessus le bord. Je vous promets en outre de vous donner toute l’année 1837, beaucoup d’amour, beaucoup de bonheur et un peu de bonne qualité, si j’en trouve dans mon jardin.
Dites donc vous vous laissiez un peu agacer pour la petite marchande ? Si elle veut savoir de QUEL BOIS JE ME CHAUFFE elle n’a qu’à continuer de recouler dans sa voix de bois. Tout est clos et rangé, je me suis donné joliment du mal, je mériterais bien mon argent dont je ne devrais compte à personne, car il m’en reste très peu excepté vos [35 F. ?] J’ai 1 F. 10 sous dans ma bourse, il est vrai que j’ai donné [25 F. ?] pour le vin qui vient demain matin. Mon cher petit chat, il faudra que vous partagiez vos [35 F. ?] avec moi pour les étrennes forcées du portier et de la bonne. D’ailleurs ça m’est égal que vous ne me donniez pas les vases de chez [MARQUIS  ?].
Mon petit Toto chéri, je t’aime, mon pauvre amour, je vous adore, mon ravissant petit Toto, je réchauffe vous petits pieds sur mon cœur, prenez garde de les brûler.

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 295-296
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


31 décembre [1836], samedi soir, 10 h. ¼a

À mon adoré quelle douce surprise ! Quel admirable cadeau ! Quelle merveille ! Et comment te remercier ? C’est à genoux que j’ai lu tes vers, c’est les yeux fixés sur ton ravissant dessin que je t’écris ces mots qui font des points d’admiration que je voudrais ponctuer en baisers sur toute ton adorable petite personne. J’étais triste et souffrante, tu m’as donné la joie et ôté le mal. En ce moment je ne sens plus rien que mon bonheur, mes mains sont revenues fraîches et les nuages noirs qui pesaient sur ma pensée et sur mon cœur se sont tous dissipés. Ton amour, c’est le ciel bleu de mon âme, ton regard son soleil, ton sourire sa joie, ton haleine son parfum, tes baisers l’extase et le paradis. Quand je pense qu’il y a une heure j’étais la plus malheureuse des femmes et que je ne voyais rien au-delà de mon épaisse tristesse et que maintenant tout est gai autour et au-dedans de moi, il me semble que c’est un rêve et qu’il y a plus d’une nuit écoulée entre ces soixante minutes.
Dors bien, mon Victor, car tu viens de faire une bien heureuse femme d’une pauvre créature désolée. Tu as fait en un moment plus de bien que le bon Dieu ne lui en a accordé après des ans de prières. Sois béni, mon Victor, je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 297-298
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) Sur le manuscrit figurent deux dates conjecturales, d’une autre main que celle de Juliette : « 1842 » et « 36 ? ».

Notes

[1Hugo a coutume d’écrire une lettre à Juliette pour le nouvel an.

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