1er novembre 1872

Guernesey, 1^er nov[embre] [18]72, vendredi matin, 7 h. ¾

Je me suis levée trop tard, mon cher bien-aimé, pour te donner mon bonjour de visu mais je tâche de me rattraper en te le donnant sous la forme gribouillis, en attendant que je te l’applique sur la bouche quand je te verrai tantôt. Il y a juste un mois aujourd’hui que tes chers petits-enfants ont été emmenés. Si j’en jugeais d’après le poids des regrets et des tristesses que leur absence fait^a dans ta vie et dans la mienne, je croirais qu’il y a un an que nos baisers les ont perdus de vue. Il serait bien à désirer que de fréquentes nouvelles d’eux les rapprochassent de nous et je compte sur l’effet de la lettre irrésistible que tu dois écrire à leur mère pour lui demander qu’elle veuille bien consentir à ce que la bonne Lanvin aille toutes les semaines s’informer de la santé générale des grands et des petits enfants. J’espère que de cette façon la brave mère Lanvin pourra nous tenir au courant de ce qui nous intéresse sans être rebuffadée de personne. C’est aujourd’hui la fête de tous les saints parmi lesquels saint Amour tient la première place au ciel dans l’almanach^b et dans mon cœur. C’est sous sa protection spéciale que je mets notre bonheur, c’est à dire le bonheur de Petit Georges et de Petite Jeanne qui est maintenant le bonheur de notre bonheur.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 302
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « font ».
b) « l’amanach ».