Guernesey, 25 oct[obre] [18]72, vendredi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon infatigablea piocheur, bonjour et amour je t’adore. Depuis deux jours je ne peux pas venir à bout de me lever assez tôt pour me rencontrer des yeux avec toi quand tu passes sur ton toit [1]. Il en faut rien moins que mes bêtes de douleurs pour m’empêcher d’arriver à temps à ce cher rendez-vous qui est la première joie de ma journée. J’espère que demain je serai un peu plus vaillante qu’hier et qu’aujourd’hui et que je serai à mon poste avant toi. J’espère aussi que tu recevras des nouvelles directes de tes grands et petits enfants et toutes aussi satisfaisantes que tu le méritesb et que je le désire. Il n’est pas probable que le citoyen Garnier s’en aille aujourd’hui ce qui n’a pour moi qu’un intérêt bien négatif. Mais, dans tous les cas, je sens qu’il me sera impossible de prendre sur moi d’écrire dans la journée la lettre qu’il me demande pour Louis [2]. Je suis tellement endolorie et j’ai une si grande horreur de tout gribouillis qui ne t’est pas destiné que c’est un véritable supplice pour moi quand il faut que j’élucubre pour n’importe qui et pour n’importe quoi. Pour toi c’est autre chose, je ne me lasse jamais de te rabâcher mon amour à propos de tout et d’autre chose encore.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 296
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « infatiguable ».
b) « mérite ».