Guernesey, 13 oct[obre] [18]72, dimanche, 6 h. ¾ du m.
Merci, mon cher adoré, de t’être trouvé si exactement au rendez-vous du signal [1] qui est celui de mon cœur, de ma pensée et de mon âme tous les matins. Je te remercie d’être resté un peu plus longtemps que de coutume sous mes yeux ; mais je te supplie, quelque soit le bonheur que j’en éprouve dans le moment, de te hâter et de ne pas rester sans chapeau et au brouillard plus de temps qu’il ne faut pour te laisser voir au passage de la serviette [2]. C’est à moi à en guetter le moment. C’est bien le moins puisque c’est moi seule qui en profite. Je ne sais pas comment se comportera le soleil aujourd’hui mais pour l’instant il fait une assez triste figure ce qui me fait craindre pour nos projets de promenade toujours en permanence et toujours ajournésa. À ce propos, sans t’en douter tu as remué la fibre trop sensible de la pauvre Blanche hier en annonçant que quoi qu’il advienne tu n’iras pas à Paris cette année [3]. La pauvre fille me le faisait remarquer en soupirant pendant qu’elle me déshabillait. Sans me prononcer aussi péremptoirement que toi sur cette question je lui [ai] répondu que c’était infiniment probable, ce qui l’a médiocrement réjouie. Mais que faire à cela ? That is the question fort difficile à résoudre et que je laisse pendante tant qu’elle voudra bien rester dans cette situation. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 284
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « ajournées ».