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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 21 sept[embre] 18[72], samedi matin, 6 h.

Bonjour, mon tout bien-aimé adoré, bonjour, sois béni. J’espère que tu as passé une bonne nuit sans cauchemarsa comme la mienne. Je pourrais presque m’en assurer en allant voir si ton cher petit signal [1] est déjà à son poste mais je ne veux pas forcer mes pauvres vieille et jeune fillesb [2] à se lever avant l’heure règlementaire de sept heures. Ma quasi bonne action n’est pas aussi généreuse qu’elle en a l’air parce que j’espère que Dieu escomptera ce petit sacrifice à ton profit en te comblant des sourires et des caresses de Petit George et de Petite Jeanne tout aujourd’hui et plus encore si c’est possible que tous les autres jours écoulés. Cette espérance m’est confirmée par une douce clarté annonçant le soleil au moment même où mon âme demande à Dieu de te bénir dans tes chers petits-enfants. Cher adoré, mon cœur se gonfle et déborde d’attendrissement en pensant à toi et à eux. Je voudrais pouvoir me dévouer à toi et à eux nuit et jour. Il me semble que j’y retrouverais toutes mes forces perdues et même décuplées par quarante ans d’amour, d’admiration, de vénération et d’adoration pour toi. L’amour est une force qui tient lieu de toutes les autres et je sens que je t’aime à pouvoir soulever la terre et le ciel si tu en avais besoin. Que Dieu me mette à même de te le prouver et il verra. En attendant je t’aime passivement et passionnément faute de pouvoir faire plus et mieux. Tu as raison pour Les Châtiments [3] il serait trop imprudent de hasarder cet exemplaire splendide et unique dans une banale exposition. Les naturels de ce pays charmant ne sont pas dignes de cette faveur et de cette marque de confiance dans leur intelligence oblitérée de Loyalty et de fanatismes.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 262
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « cauchermards ».
b) « fille ».

Notes

[1Voir Torchon radieux

[2Les domestiques de Juliette Drouet : Suzanne et Ambroisine sont désignées par « vieilles filles » et Blanche par « jeune fille ».

[3Recueil de poèmes de Victor Hugo, composé en exil, et publié en septembre 1852. Il semblerait qu’une exposition ait été organisée à Guernesey où une belle édition des Châtiments devait être présentée. Victor Hugo a apparemment refusé cette exposition.

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