Guernesey, 28 décembre, [18]65, mardi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon bien-aimé adoré, bonjour. Sois béni en toute chose comme tu l’es dans le fond de mon cœur. J’attends le jour avec impatience depuis bien longtemps pour me mettre à la recherche de ta chère petite bague que j’ai eu la mauvaise pensée de mettre à mon doigt hier. Je dis MAUVAISE pensée à cause de l’inquiétude que sa disparition momentanée nous cause. Quant à être perdue, je ne le crois pas possible puisque je ne suis pas sortie de la maison et que je l’avais encore au doigt en me coiffant trois heures après être sortie du bain. Je vais en avoir le cœur net dès que j’aurai fini mon pauvre petit gribouillis. Cela m’apprendra à avoir de trop tendres superstitionsa en m’appropriant pour un moment cette bague que je t’avais donnéeb dans les premiers temps de notre amour et que je voulais te redonner encore après l’avoir portée comme une nouvelle alliance de mon éternel amour [1]. Mais j’espère que cette punition ne sera pas au-delà de ma faute et que je n’aurai pas l’amer chagrin de l’avoir perdue à tout jamais, cette chère petite bague, pour un moment de POSSESSION. Je vais m’en assurer tout de suite et voir si tu es levé. Mon cher adoré bien-aimé, sois béni.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 220
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « superstition ».
b) « donné ».