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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 novembre [1835], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon chéri, je t’aime. J’ai été bien mouzonne hier au soir. Je ne sais pas pourquoi j’étais plus jalouse hier que les autres jours et toi plus taquin qu’à l’ordinaire. Enfin, quoi qu’il en soit, je ne t’ai jamais plus aimé que dans ce moment-là, et je te demande pardon si j’ai été injuste, mais c’est que je souffrais beaucoup de ce qu’il me semblait que tu m’aimais moins et que tu voyais avec plaisir les avances que des femmes éhontées ne craignent pas de faire à n’importe quel homme.
Ce matin je suis plus calme et je crois que tout ce que tu m’as dit hier n’était qu’un badinage. Aussi je saute à ton cou, en idée hélas, en attendant que je le puisse faire en réalité. Je t’aime, mon Victor adoré. Je t’aime comme jamais homme n’a été aimé.
J’espère que ton torticolisa n’aura pas eu de suite, que tu auras bien reposé et que vous serez frais et charmant quand vous viendrez me voir.
Adieu, mon cher petit homme, bientôt au revoir. Faites, je vous prie, mes avances à M. Toto-Victor Hugo. Tous les Toto sont prédestinés aux avances des femmes.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 130-131
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « torticolli ».


18 novembre [1835], mercredi soir, 8 h.

Je vous vois à peine, mon cher petit galeux, ce qui ne rend pas mon intérieur et ma personne des plus gaisa et des plus aimablesb. À qui la faute ?
J’ajouterai même que j’attribue à cette longue claustration de tous genres les maux de tête et les douleurs de cœur qui me tourmentent tous les jours. Je sais bien que vous allez monter sur votre grand dada et que vous m’échapperez encore en enfourchant votre phrase : « Je travaille » mais moi je vous dirai qu’il vaudrait mieux moins de temps accordé aux oisifs et aux curieux de toutes espèces qui se pressent à l’entour de vous, et plus de temps à l’amour, moins de temps à votre barbier et plus à votre Juju. Enfin je sens bien, sans pouvoir au juste l’exprimer, ce qui vous manque pour être encore comme autrefois l’homme empressé et amoureux. Je vous le dis avec tristesse car je vous le dis avec conviction, mon cher petit homme, mais je crois que vous ne m’aimez plus autant qu’autrefois.
Je sais bien que vous n’en conviendrez pas parce que peut-être vous ne vous en apercevezc pas encore, mais cela est, et tous les jours cette triste certitude pénètre dans mon cœur et l’attriste sans faire que je vous aime moins.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 132-133
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « des plus gai ».
b) « des plus aimable ».
c) « appercevez ».

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