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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 novembre [1835], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, comment va ton œil ? Je désire et j’espère que tu te seras reposé cette nuit. Si cela était, je ne regretterais pas autant de ne t’avoir pas vu ce matin puisque tu te serais reposé.
Mon cher petit homme, je t’aime de toute mon âme. Je n’ai de joie et de bonheur qu’en toi. C’est pour cela que je suis si triste quand je ne te vois pas.
Il me semble qu’il fait un froid très vif ce matin, et j’attribue mes redoublements de douleursa d’entrailles au redoublement de froid.
Je voudrais bien te voir, mon Victor. Tu verrais si je t’aime et si je suis heureuse et si j’ai de la confiance en notre avenir.
J’ai passé une assez bonne nuit. Si ce n’était les douleurs d’entrailles de ce matin, je me porterais assez bien. Je ne suis pas tout à fait aussi tranquille de ton côté. Je crains que ton pauvre œil n’ait empiré, ou que ton frère ne soit plus malade. Ainsi juge combien toutes ces inquiétudes doivent ajouter encore à l’impatience naturelle que j’ai de te voir.
Il est à remarquer combien la facilité des communications empêche les gens qui s’aiment le plus de se voir ou de s’écrire. Depuis que je demeure à ta porte [1], je te vois à peine. Depuis que je t’écris deux fois par jour, je n’ai pas reçu de lettre de toi ou si peu qu’elles ne peuvent pas être chiffrées. De cette remarque, je ne veux pourtant pas conclure que tu m’aimes moins que lorsque je demeurais à une lieue de toi et que je ne t’écrivais que très rarement. Mais je dis seulement que je t’aime plus que tu ne m’aimes.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 78-79
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « douleur ».


3 novembre [1835], mardi soir, 8 h. ¼

J’ai eu tout à l’heure un moment d’impatience que je me reproche car à présent que la réflexion a passé dessus, je sens bien que tu ne pouvais pas avoir une intention ironique en me demandant si je m’ennuyais avec toi.
Vois-tu, mon pauvre chéri, depuis quelque tempsa je te vois à peine et aujourd’hui où tu pouvais me donner quelques instants, nous avons été forcésb de les employerc à diverses commission dont la dernière m’a fait resterd une heure et demie à t’attendre. Je ne t’ai donc vu en réalité aujourd’hui que quelques minutes. Et puis enfin, au moment de te quitter pour bien longtemps sans nul doute, tu me faise cette bête de question : si je ne m’ennuie pas avec toi ? Je t’avoue que le moment était mal choisi pour dire des folies et que je t’ai répondu d’importance parce que moi je ne plaisante pas à l’endroit de l’amour. Mais enfin, je reconnais que j’ai eu tort et je promets bien de recommencer quand tu m’en donneras l’occasion parce que ces fautes-là venant toutes de l’excès d’amour que j’ai pour toi, je ne suis pas pressée de m’en corriger.
Tu m’as bien promis de venir aussitôt que tu le pourras mais cette promesse tu ne la réaliserasf que le plus tard possible. Et encore il faudra que je sois gaie et prête à faire des calembours dès que tu paraîtrasg. C’est charmant. Mais enfin je t’aime, tout est possible, même ça.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 80-81
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « quelques temps ».
b) « nous avons été forcé ».
c) « emploier ».
d) « m’a fait resté ».
e) « tu me fait ».
f) « tu ne la réalisera ».
g) « tu paraîtra ».

Notes

[1Depuis l’automne 1834, Juliette habite un petit appartement au 50, rue des Tournelles, loué par Hugo au nom de Lanvin. La famille Hugo habite au 6, place Royale (actuelle Place des Vosges) : deux cents mètres seulement séparent les deux amants.

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