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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 22 novembre [18]68, dimanche matin, 8 h

Cher adoré, je voudrais avoir deux cœurs, deux âmes, tous les cœurs et toutes les âmes pour y verser le trop-plein des miens. Sois bénis dans ta grande oeuvre comme tu l’es dans mon amour. Je baise tes pieds et tes ailes. Je crains que la préoccupationa de ce que tu as à faire ce matin pour le journal de Castelar [1] ne t’ait tenu éveillé une partie de la nuit ; ce qui, joint à toutes tes autres fatigues, peut troubler ta bonne santé. Il est vrai que Dieu semble te donner des forces à proportion de ta tâche qui grandit et augmente tous les jours. Cette pensée me rassure un peu et c’est avec toutes les tendresses de mon cœur que je souhaite bonne chance à L’Homme qui rit [2]. Que les pierres du chemin glorieux qu’il doit parcourir dans l’humanité soient pour lui des étoiles et les ronces des rayons. Je lui pardonne toutes les larmes qu’il m’a fait verser et je souris à son succès et à celui de la pauvre petite Déa. J’attends la première exclamation de Lacroix : quelque fermé qu’il soit à l’admiration, je suis sûre qu’il en restera la gueule béante pendant huit jours. Et Meurice ! et Vaquerie ! et tes deux fils !!!b et Rochefort qui est aussi de la pléiade privilégiée. Quelle fête !!!
Eh bien, à moi toute seule je t’admire autant et plus qu’eux tous et je t’adore encore mieux.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 321
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « la préocupation ».
b) Une ligne entière de seize points d’exclamation.

Notes

[1Victor Hugo avait écrit, le 22 octobre 1868, une lettre à l’Espagne pour exprimer son soutien au peuple espagnol se battant pour la République. Le 21 novembre 1868, il reçoit une lettre d’Emilio Castelar lui demandant une seconde lettre. Hugo écrit dans son agenda le 21 novembre : « Par dépêche électrique que me transmet Victor, Emilio Castelar me demande au nom de la république d’Espagne une 2e lettre aux Espagnols (contre l’esclavage) je la ferai demain ». La dépêche transmise par François-Victor était la suivante : « Nous avons besoin avant mercredi prochain d’une lettre de votre père adressée à la nation espagnole condamnant l’esclavage et appuyant l’émancipation immédiate. Je la traduirai moi-même. Emilio Castelar ». Victor Hugo répondra positivement à cette demande. Le 22 novembre 1868, il écrit la « Seconde lettre à l’Espagne ».

[2Le titre originel du roman de Victor Hugo était Par ordre du roi. Paul Meurice propose à son ami le nouveau titre de L’Homme qui rit le 12 novembre. Le 15 novembre, Victor Hugo écrit à Paul Meurice qu’il changera donc le titre de son roman. Le titre définitif date donc du 15 novembre 1868.

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