Guernesey, 2 juillet [18]68, jeudi, 7 h. ¼ du m[atin]
Je pousserais un fort : quel bonheur !!! en ton honneur comme au mien, mon cher bien-aimé, si j’étais bien sûre que tu as eu une aussi bonne nuit que la mienne. Mais dans le doute, je me goberge dans une joie égoïste et modérée un peu grisaille comme le temps. Est-ce bien aujourd’hui que nous reprenons la collation [1] ? Je n’ose pas m’en flatter à cause du festival de Mme Chenay ce soir pour lequel déjà elle renonce à la promenade tantôt. La nécessité d’être belle en l’honneur de la performance sixtichienne [2] et Great Modern [3] l’empêchera très probablement de commencer aujourd’hui cette collation après laquelle je soupire depuis trop longtemps. Je ne lui reproche pas, d’ailleurs, car la pauvre petite femme n’a pas souvent l’occasion de faire de la toilette et de jeter sa petite poussière dans les yeux de ces bons Guernesiais endimanchés. Je lui souhaite beaucoup de plaisir en attendant mon Ursus et ma chère petite Déa [4] que j’adore presque autant que vous, môsieur.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 183
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette