Bruxelles, 5 août [18]68, mercredi matin, 7 h.
Je t’aime, voilà mon bonjour. Je t’adore, voilà ma religion. Je te bénis, voilà mon bonheur. Ma crise dure encore [1] mais ne t’en inquiète pas car il n’y a aucun danger. Et puis je crois, à cause de sa violence même, qu’elle touche à sa fin. Je n’ai pas dormi une heure dans toute la nuit et je souffre en ce moment tout ce qu’on peut souffrir. Mais je ne perds pas courage et j’espère que tout sera apaiséa tantôt quand tu viendras parce que je le veux absolument et que ce que femme veut, la goutte doit le vouloir [2]. J’espère que tu auras un peu de répit aujourd’hui et que nous pourrons aller chez ton tailleur et à la promenade. Quant à moi, je n’ai aucun goût de sortir sans toi, aussi je reste enfermée derrière mon volet au risque d’en devenir aveugle et cul-de-jatte. La journée menace d’être encore bien chaude mais je ne m’en plains pas puisque tu t’en trouves bien. Dès que ma crise sera passée, j’irai prendre un bain, ce qui est toujours pour moi la meilleure manière de me retremper dans la santé. Sur ce trait d’esprit je tire l’échelle : patatras ! et me voilà sur mes deux pattes de derrière, grosse Juju comme devant.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 214
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tout sera appaisé ».