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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 novembre 1840

3 novembre [1] [1840], mardi, 10 h. ½ du matin

J’ai été bien heureuse encore cette nuit et ce matin, mon adoré, et je dois avouer que ce bonheur était tout à fait inattendua pour moi car je craignais bien ne te voir qu’aujourd’hui dans la journée et fort tard. Je n’ose pas espérer la même chance pour aujourd’hui quoique j’y mette la même ardeur de désir et la même somme d’amour et d’impatience parce qu’on ne gagne pas à tous les coups à ce jeu-là et qu’il faut poursuivre longtemps le même numéro avant de le gagner. Je te parle un peu langage de la loterie quoiqu’elle soit abolie et défendue [2]. Mais c’est que mon bonheur, une fois revenue à Paris, ressemble beaucoup à ce jeu de hasard où l’on se ruine en mise de fonds avant de gagner un pauvre petit ambe [3]. Tu t’en es allé bien vite ce matin, mon amour, il est vrai que tu dois avoir une foule de gens et de choses qui attendent ton retour avec impatience et je comprends, malgré tout l’ennui que me cause ton absence, la nécessité pour toi de t’occuper de tes affaires. Jour Toto, je t’aime de toute mon âme. Quel vilain temps. Quel affreux jour et comme cela ressemble bien à ma vie séparée de la tienne. La pluie en voyage ce n’est que de la pluie, c’est-à-dire un peu d’eau sur le tablier de la voiture d’Adam. Mais la pluie à Paris, séparée de toi, c’est de la tristesse, du découragement et des larmes pour la pauvre Juju. Toto je t’aime, Toto tu es mon culte et mon adoration. Toto tu es ravissant, mon Victor tu es divin. Je baise tes pieds, tes mains, tes yeux, tes cheveux et le reste. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 123-124
Transcription de Chantal Brière

a) « inatendu ».

Notes

[1Hugo et Juliette sont rentrés le 1er novembre d’un voyage de deux mois qui les a conduits sur les bords du Rhin et pendant lequel leur correspondance s’est interrompue. Cette lettre fait suite à celle du 28 août.

[2Après de nombreux débats, la loi du 21 mai 1836 avait interdit toutes les loteries dont la Loterie royale. Toutefois, à l’initiative du gouvernement certaines pouvaient être organisées pour les œuvres de bienfaisance.

[3Combinaison de deux numéros pris ou sortis ensemble à la loterie.

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