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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juillet [1840], dimanche après-midi, 2 h.

Je suis très vexée que vous soyez allé gronder ce pauvre Toto [1] qui a raison au fond. Si on vous grondait chaque fois que vous le méritez, vous, ce serait gentil. C’est-à-dire qu’on bougonnerait jour et nuit. Taisez-vous scélérat et tâchez de ne pas faire pleurer le pauvre gamin que j’aime de tout mon cœur. Voici ma fleur qui s’épanouita à vue d’œil. Tout à l’heure elle sera tout à fait ouverte, c’est charmant. Eh ! mon Dieu voilà un affreux petit singe qui grimpe à ma croisée, il va m’abimer mes fleurs, pour m’en débarrasser je vais vite jeter un sou à son cornac. Là, m’en voici quitte pour la peur, cet horrible vagabond spécule sur le plus ou moins de dégât que peut commettre son animal pour récolter des sous que la peur et le dégoût arrachentb de la bourse des bourgeois paisibles. Allons voici bien autre chose, un effroyable coup de vent a fermé la persienne sur ma pauvre belle fleur qui choisit bien mal son temps pour faire la belle. Enfin, ça la regarde, et je la regarde avec douleur et anxiété, ce serait terrible d’avoir logé, nourri et abrité pendant huit jours un arbuste PEU FLATTEUR de son naturel pour que la fleur sur laquelle on comptait s’indemniser de la peine nous casse entre la vitre et le vent, sans même que ce soit entre vos mains. Je serais furieuse si ce malheur arrivait. Taisez-vous Satan de Toto, ne riez pas de mon effroi mais plaignez-moi plutôt d’aimer les fleurs un jour d’orage et un Toto tous les jours, toutes les nuits et toujours. Baise-moi mon Toto. Baise-moi qu’on vous dit et aimez-moi. Cette pauvre Claire n’aura pas un fameux temps pour venir, quelle tempête, quel ouragan, on se croirait au mois de décembre. Si ce temps-là continue les illuminations et les mâts de cocagne seront un peu marécageux. Mâtin quel temps ! Baise-moi mon amour, je t’aime, je suis heureuse. Je t’adore, je te désire, je t’attends, je baise tes petites mains et tes atomes de pieds. Jour Toto, jour mon petit o.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 55-56
Transcription de Chantal Brière

a) « s’épanoui ».
b) « arrache ».

Notes

[1Il s’agit de Victor le fils cadet.

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