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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 septembre [1836], mardi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, je vous ai déjà dit bonjour ce matin à six heures, du fond de mon cœur. Je m’étais réveillée très tôt comme à mon ordinaire et comme à mon ordinaire aussi je mea suis rendormie en lisant. Je me lève donc seulement à présent. Ma première action comme ma première pensée vous est consacrée – c’est-à-dire qu’elles vous le sont toutes, car je ne fais rien que pour vous et je ne pense qu’à vous.
La lampe a très bien été toute la soirée. Nous verrons si arrangée par moi elle ira aussi bien ce soir.
Il ne fait pas plus beau aujourd’hui qu’hier. Peut-être cela vous déterminera-t-il à revenir plus vite. J’ai besoin de l’espoir pour ne pas me laisser aller à une tristesse sans borne. Je vous aime mon cher petit homme je vous aime plus qu’autrefois encore. De sorte qu’à présent cela ne peut plus se mesurer que la distance [à  ?] la plus éloignée des étoiles fixes [1].
J’ai besoin de vous voir mon amour, j’ai besoin de te regarder mon Victor. J’ai besoin de t’entendre parler j’ai besoin de te respirer. Viens vite je t’aime. Je t’attends. Je suis triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 316-317
Transcription de Nicole Savy

a) « je me » répété par inadvertance.


13 septembre [1836], mardi soir, 6 h. ¼

Je prévois que je vais encore dîner seule et peut-être même coucher seule toute la nuit, ce qui sera peu agréable pour moi qui vous attendsa depuis deux mortels jours. Il fait un froid de chien et n’étaientb toutes sortes de bonnes raisons je ferais du feu depuis le matin jusqu’au soir. Je souffre toujours beaucoup de coliques, et toi mon cher petit homme souffres-tu encore, as-tu toujours ton bobo [hérésipelliqueux ? [2]] Je ne dis pas tout ce que je pense de ce bobo-là mais je m’informeraisc à coup sûr de son ORIGINE à mon médecin.
En attendant je bisque d’être là toute seule à me morfondre tandis que vous vous chauffez les os des jambes en aimable société. Ah ! si j’avais un peu moins d’amour ! Vous auriez un peu plus d’empressement, mais vous êtes si sûr de moi que vous ne vous donnez même pas la peine d’y venir voir. Si vous croyez que je serai charmante quand vous viendrez vous vous trompez, à moins que vous n’arriviez tout de suite et que vous n’ayez vu aucune princesse. D’ici là je vais m’embêter autant que je vous aime ce sera gentil.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 318-319
Transcription de Nicole Savy

a) « attend ».
b) « n’était ».
c) « m’informerai ».

Notes

[1Victor Hugo avait été profondément marqué, deux ans auparavant, par sa visite à l’Observatoire de Paris, sous la conduite de François Arago (il en fit le récit beaucoup plus tard, dans Promontorium Somnii). Arago professait alors avec un immense succès ses leçons d’astronomie et les publiait la même année. Dans la troisième leçon, il définit les « étoiles fixes », dont Juliette a visiblement entendu parler.

[2Il s’agit sans doute d’érysipèle.

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