Bruxelles, 14 janvier 1852, mardi, midi
Demi-victoirea, mon adoré, et bientôt victoire tout entière je l’espère, mon pauvre sublime persécuté. M. Lalande a écrit ce matin à Mme Wilmen qu’elle pouvait disposer de son appartement comme elle l’entendait et que Mme Guimont verrait où se caser lorsqu’elle serait à Bruxelles de la manière qui lui conviendrait. Je sais bien que ça n’est pas encore définitif et que nous pouvons avoir encore bien des ennuis au sujet de cette dame à cause de sa présence à Bruxelles et de sa connaissance intime avec ces dames mais enfin c’est déjà quelque chose que de ne l’avoir pas sur notre dos même. Je regarde cela comme un commencement de sécurité. Dieu veuille que le reste revienne à souhait et que nous ne soyons pas forcés à des choses excessives et onéreuses pour notre bourse et pour notre bonheur. En attendant je n’ai pas voulu laisser passer cette quasi bonne nouvelle, sans te le dire, et sans en remercier le bon Dieu. Je suis un peu moins souffrante depuis une heure tant il est vrai que ma santé, ton repos et notre bonheur sont solidaires l’un de l’autre. Qu’un nouvel itinéraire porte cette dame dans une autre direction, que les événements politiques rendent ton séjour ici parfaitement tranquille et à l’abri de toutes trahisons, que tu trouves moyen d’y travailler, de t’y plaire et de m’y aimer je serai la plus heureuse et peut-être la plus [grosse ?] des femmes. Jusque-là je tâche de lutter de raison, de courage, de résignation et de santé avec les tiraillements et les inquiétudes et je crois que j’y parviens assez bien pour une simple Juju. Baisez-moi, cher petit homme, venez le plus tôt que vous pourrez, votre présence achèvera de me guérir et de me donner du cœur au ventre. Je vous baise d’avance et je vous adore en provision.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16370, f. 17-18
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette
a) « demie ».