15 avril 1881

Paris, 15 avril 1881, vendredi matin, 8 h.

Cher bien-aimé, ta nuit, comme la mienne, n’a pas été de ces meilleures, tant s’en faut ; heureusement qu’il te reste la matinée pour te rattraper un peu ; cette pensée suffit pour me consoler de la mienne.
Tu sais que c’est aujourd’hui jour de Sainte Morue et de Saint Terme agréables à Dieu et aux propriétaires et qu’il faut nous préparer à les fêter dignement chacun de notre côté [1]. J’ai déjà, pour ma part, fait quelques préparatifs, à toi à faire les tiens. A ce propos, il sera prudent, je crois, de sortir tout de suite après le déjeuner si le temps le permet car jusqu’à présent il fait toutes sortes de grimaces menaçantes. Vent, soleil, bourrasques et pluies mêlés qui me font craindre un vrai orage vers le soir. Au reste tu en jugeras toi-même tantôt.
Notre cher ami Paul Meurice a dû te parler hier d’une personne ayant qualité pour venir de la part de la Société des Gens de Lettres pour avoir ta procuration afin de toucher pour toi sans te déranger la rente qui t’est due par la dite société et pour laquelle il faut ton certificat de vie à chaque terme à recevoir. En même temps il nous ferait signer à tous les deux la procuration pour le transfert de mes actions nominales sur la Banque nationale^e de Belgique à ton nom. Cette affaire^b qui me tourmente depuis si longtemps, j’espère que cette fois tu ne t’opposeras pas à ce qu’on la termine à mon entière satisfaction. Tu dois bien cela à mon fidèle et saint amour qui compte bientôt un demi siècle.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 80
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « nationales ».
b) « affaires ».