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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mai 1839

11 mai [1839], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon petit homme chéri, bonjour mon amour, comment vas-tu ce matin ? Le temps est bien clair et bien rafraîchia, je voudrais bien aller sur la colline avec vous ; je suis encore toute engourdie de ce sommeil d’hier. Voilà cinq ou six jours que je suis en proie à ce sommeil irrésistible qui me laisse une pesanteur dans la tête et une courbature générale dont je me passerais bien. Je te raconte tous mes bobos et toutes mes tribulations intérieures comme si cela en valait la peine, mais c’est une manière de causer comme une autre et qui me fait illusion pendant un moment. J’ai rêvé de toi toute la nuit, mon amour, nous étions heureux, nous avions la liberté, la mer, le soleil et l’amour. Nous étions bien heureux ! Hélas de tout ce beau rêve, il ne reste que l’amour, c’est-à-dire tout hors le bonheur. Baise-moi, ne fais pas ta lippe et aime-moi. Je n’ai pas pensé à te parler de Chappelle après t’avoir écrit à ce sujet. Il faudra que nous nous en entendions définitivement. Allons, voici une voiture de plâtre qui me force à tout fermer au moment de la journée où l’air fait le plus de bien et le plus de plaisir. Stupide propriétaire, va, que le diable t’emporte. Jour Toto. Je vous aime. Baisez-moi encore toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 151-152
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « raffraichi ».


11 mai [1839], 7 h. ¾, samedi soira

Je vous vois bien peu à la fois, mon Toto, ce n’est pas trop encourageant surtout quand il faut attendre plusieurs heures entre chaque apparition. Je souffre ce soir, je suis malingre et triste, j’aurais besoin d’amour et de bonheur pour me remettre le cœur. La petite Julie est partie déjà à son jardin. Me voilà entièrement seule et très disposée à me faire du chagrin, c’est une disposition d’esprit comme une autre à l’exception près qu’elle me fait souffrir horriblement. Soir pa, soir man. Toto est bien i. Je l’aime, mon Toto, je l’adore, mon petit homme, c’est bien vrai, bien vrai. J’ai écrit tantôt à mon pauvre vieux bonhomme de père [1] pour l’inviter à dîner le jour de ma fête, je ne sais sib tu le veux bien. Mon Dieu que j’ai mal à la tête, je vais me déshabiller et me décoiffer car je n’en peux plus. Je sais bien qu’il y a une raison pour cela, aussi je ne m’en inquiète pas mais je cherche à me soulager, c’est bien naturel. Je crois que cela te serait plus facile qu’à moi, ce qui est encore très naturel. Soir pa. Soir To. Quand vous aurez lu cette lettre, revenez coucher avec moi, ce sera très gentil et très efficace. Baisez-moi en attendant, sinon des lèvres, du moins de la pensée et de l’âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 153-154
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) Un symbole ressemblant à un 4 est inscrit entre la date et le corps de la lettre.
b) « que ».

Notes

[1Elle nomme ainsi René-Henri Drouet, son oncle.

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