14 septembre [1841], mardi soir, 5 h. ¾
Pauvre bien-aimé adoré, tu viens de perdre encore un de tes bons amis et je partage avec toi tous tes regrets car je sais par expérience combien les amitiés désintéressées sont rares. Tu iras sans doute au convoi de ce pauvre vieux ami, tâche de ne pas te laisser trop impressionner par cette triste cérémonie et de ne pas revenir malade, mon adoré. Je t’aime mon Toto bien-aimé, je t’aime de toute mon âme. Je suis triste dès que je te vois triste, tes chagrins me touchent plus que les miens. Je voudrais pour tout au monde que ce bon M. Bertin soit encore vivant, c’est une si bonne chose qu’un honnête homme qu’il ne devrait jamais mourir [1]. Je voudrais être déjà à ce soir pour te voir, te parler, t’entendre, t’admirer et t’adorer. Mon Victor bien-aimé, mon cher bien-aimé, mon âme, ma vie, ma joie, mon tout, je t’aime. Ne vaa pas dans les émeutes s’il y en a ce soir, mon Toto [2]. Pense à moi qui seraisb si malheureuse s’il t’arrivait le plus petit mal, pense à moi qui t’aime, mon amour, comme les anges aiment le bon Dieu et tâche de revenir bien vite auprès de moi.
Je vais raccommoderc moi-même vos chaussettes, pôlisson, car pour Suzanne il n’y a pas moyen d’y songer. Je vais vous faire des BOURATS, soyez tranquille scélérat. Baisez-moi en attendant.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 221-222
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « vas ».
b) « serait ».
c) « racommoder ».