18 juillet [1841], dimanche soir, 5 h. ¼
Voici le beau temps revenu, mon adoré, tu dois être bien content de pouvoir mettre ton museau à l’air sans crainte des gouttières ? Moi ça m’est tout à fait égal à ce compte-là car, qu’il pleuve ou qu’il neige, ou qu’il vente, ou qu’il fasse soleil, je suis toujours enfermée chez moi. Il y a juste 12 jours aujourd’hui que je n’ai mis le pied dans la rue, aussi quand je désire le beau temps j’y ai d’autant plus de mérite que ce n’est pas un vœu intéressé personnellement, puisque je n’en profite qu’à travers vous. Me voici toute seule pour toute la journée, sans espoir que cela te fasse venir une minute plus tôta que minuit. J’aime mon Toto, j’aime mon Toto, mais je n’en ai jamais plein ma dent creuse. Ia ia monsire matame, la baufre Chichi n’a chamais son sou de son Dodo [1]. C’est pien empêtant et autant vaudrait n’être pas Mittigouchiouekendalakiankb et ne pas connaître la Sarcopte et le groupe des gamases pour être traitée comme une rien du tout [2]. Tenez, décidément je ne suis pas traitéec selon mon mérite et encore moins selon mon amour pour vous. Vous êtes une bête et un animal, ce qui est encore bien plus.
Je vais écrire à mon pauvre père qui est bien sûr fâché contre moi et en vérité il y a bien de quoi [3]. J’écrirai aussi à Mons. Jourdain pour la troisième fois, enfin je vais employer la fin de mon dimanche moins agréablement que je ne l’ai commencé. Je vous aime Toto, je vous adore mon bon petit homme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 63-64
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « plutôt ».
b) « Mittigouchioenkendalakiank ».
c) « traité ».