Guernesey, 6 janvier 1862, lundi, 8 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour et puisses-tu avoir passé une bonne nuit réparatrice de l’autre. Je voudrais en être sûre pour te sourire à cœur joie et sans aucune restriction. En attendant que mon espérance se confirme, je t’aime dans le gris du ciel et de ma pensée, mais je t’aime de toute mon âme. Il me semble que j’entends le bruit de ton pantalon sur la barre d’appui du balcon. Je dis qu’il me semble parce que je ne peux pas voir de mon lit, où je suis blottie en attendant que le feu soit allumé chez moi, si c’est bien toi ou si c’est un bruit du voisinage. Peu importe, comme dirait Marquand, pourvu que tu aies bien dormi et que ta santé soit parfaitement bonne ce matin, je me résigne à ne te voir, à ne t’entendre, à ne te parler, à ne te baiser que tantôt. À propos de tantôt, je voudrais bien savoir quand nos collations recommenceront ? Si cela ne doit pas être tout de suite, je te supplie, mon cher adoré, de me redonner à copire parce que je ne peux plus vivre comme ça. Il me faut pied ou aile de toi à baiser et adorer. Je ne peux pas m’en passer, c’est la vie de mon cœur et de mon âme.
BnF, Mss, NAF 16383, f. 7
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Guy Rosa