Guernesey, 3 janvier 1862, vendredi, 8 h. du m[atin]
Bonjour mon cher petit homme, bonjour à travers nos deux vitres, bonjour. Je vous vois mettant votre chemise, peignant vos cheveux, ébouriffant votre barbe sans pouvoir parvenir à intercepter un seul de vos regards tant vous êtes occupé de votre toilette, c’est-à-dire pressé d’aller à votre travail : ALLAIE, je vous pardonne. Je vous pardonne surtout parce que vous m’avez l’air en très bon état et comme un homme sûr d’avoir passé une bonne nuit, ce qui est le signe d’une bonne conscience et d’une bonne santé. Quant à moi, je suis passée maître en sommeil et je damerais le pion à une marmotte pour le pionçage indéfini. Je ne te dis que ça. Quant à ma santé, elle est plus que parfaite. Il n’est pas jusqu’au temps qui ne me paraisse admirable ce matin. Peut-être ferions-nous bien d’en profiter pour rendre nos visites, un point après ça virgule, si cela t’embête, exclamation, je retire ma proposition point et virgule et je reste dans ma coquille tiret à la ligne.
Mon cher petit homme béni, je ris avec toi parce que j’espère que tu as passé une bonne nuit, que tu es heureux et que tu m’aimes et que je t’adore de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16383, f. 4
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Guy Rosa