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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mars 1841

14 mars [1841], dimanche, midi ¼

Bonjour méchant Toto, bonjour vilain petit homme. Vous êtes bien revenu, n’est-ce pas, scélérat ? Aussi, quand je vous dis que vous vous moquez de moi et que vous ne m’aimez pas, je crois que je ne me trompe pas beaucoup. Taisez-vous, vilain monstre, taisez-vous, ou bien je reprends ma robe CHINOISE. C’est que…je le ferais comme je le dis, voyez-vous.
Je ne sais pas où je prends les envies de dormir que j’ai, mais le fait est que j’ai toutes les peines du monde à me réveiller quand une fois je m’y mets. Il va falloir que je reprenne mes habitudes d’été, je m’en porterai mieux et j’aurai plus de temps pour m’occuper de mes affaires.
Je vais écrire tout à l’heure à Mme Krafft pour la chose en question. Je crois que ce serait d’une meilleure économie si on pouvait faire une robe de chambre à la place d’un paletot. Je dis si on peut car tant que je n’aurai pas un modèle, je ne l’affirmerai pas [1].
Je continue toujours à rager et maugréer ces hideuses filoutes de Gérard, car il est clair comme le jour qu’ellesa m’ont volé ma belle doublure moirée rouge. Que le diable les emporte, les vieilles voleuses, et qu’il les garde longtemps [2]. Puisse-t-il aussi chemin faisant vous ramener bien vite chez moi et vous y laisser, c’est le vœu de votre pauvre vieille Juju qui vous aime.

BnF, Mss, NAF 16344, f. 237-238
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « elle ».


14 mars [1841], dimanche soir, 4 h. ½

Eh ! bien, mon petit Toto, vous ne songez pas encore à tourner le bout de vos BÔTTES dans la direction de la rue Sainte-Anastase [3] ? Voici pourtant la journée bientôt écoulée, il serait bon que vous me donnassiez signe de vie pour me faire supporter la soirée qui paraît devoir être aussi triste et aussi longuea que les précédentes. Il dépendrait de vous cependant de la rendre une des plus lumineusesb et des plus heureusesc de ma vie, mais c’est ce que vous ne ferez pas. Je vous aime mon Toto, je t’aime mon cher petit homme. Il fait un temps ravissant et si tu peux me faire sortir ce soir, malgré mon écorchure [4], je prendrai mes jambes à mon cou. D’ailleurs, je suis sans inquiétude maintenant que nous avons la pommadedNICOLETe ; pour en user, on se fendrait volontiers en quatre pour avoir le plaisir de se faire ressouder par cette sublimissime pommadef [5]. Voime, voime.
En attendant, je bisque et je voudrais vous tenir dans un petit chemin avec ou sans pierres mais assez loin pour que vous ne puissiez pas m’échapper de quinze jours. Hélas ! jour Toto. Baisez-moi, vieux bonhomme, je vous déteste. Voime, en reniflant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 239-240
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « longues ».
b) « lumineuse ».
c) « heureuse ».
d) « pomade ».
e) Dans sa lettre du lendemain soir, Juliette écrit « Nicollet ».

Notes

[1Juliette veut emprunter à Laure Krafft une robe de chambre qui va servir de modèle à son ouvrière pour en tailler une nouvelle.

[2À élucider.

[3C’est l’adresse de Juliette Drouet depuis le 8 mars 1836. Elle déménagera le 10 février 1845 pour le no 12 de la même rue.

[4Juliette fait ici référence à ce qui s’est passé quelques jours auparavant. À l’occasion d’une visite à Mme Pierceau qui va bientôt accoucher, elle s’est écorchée, mais elle ne précise pas comment c’est arrivé.

[5Le ton employé par Juliette ressemble fort à celui d’une annonce publicitaire, peut-être parue dans un journal de l’époque comme La Presse.

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