11 mars [1841], jeudi, 10 h. ½ du matin
Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour, bonjour toi que j’aime de toute mon âme.
J’ai mon ouvrière [1] ce matin. Mme Pierceau ne l’a gardéea qu’un jour, sachant que j’en avais besoin. Elle ne fera qu’une demi-journée parce qu’elle a elle-même besoin de sortir. Ça fait que Suzanne pourra profiter du reste de la journée si tu me conduis voir mon père [2].
Du reste, mon cher petit, je ne sais pas si c’est la promenade d’hier qui a déterminé l’accident qui m’arrive mais j’ai la tête et la figure enflées et couvertesb de boutons, je suis hideuse. J’avais depuis trois ou quatre jours très mal à la tête et aussitôt que j’ai été couchéec cette nuit cela a redoublé et j’ai senti mon front qui se couvrait de boutons. Brefle, je suis un affreux monstre, bonne tout au plus à faire une cariatide. Cela ne m’empêche pas de vous aimer, au contraire.
À propos, Mme Pierceau me fait savoir par Pauline que la représentation de M. Desmousseauxd aura lieu à la fin de ce mois et qu’elle nous a retenu la petite loge no 7 [3]. Il va sans dire que si nous acceptons cette loge il faudra substituer Mme Pierceau à Mme Guérard pour le jour de ta réception [4], procédé pour procédé. J’aime mieux d’ailleurs Mme Pierceau que la stupide Mme Guérard. Au reste, tu verras. En attendant, je t’aime et je vais me dépêcher de m’habiller pour être prête quand tu viendras. Tâche de venir, mon adoré, je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 229-230
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « gardé ».
b) « couverte ».
c) « couché ». Juliette avait d’abord écrit la forme correcte, qu’elle a rayée.
d) « Démousseaux ».