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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 août [1847], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon aimé, bonjour. Je regrette de ne pas trouver d’appellationsa plus tendresb pour te les dire car toutes celles-ci sont encore au-dessous de ce que j’éprouve. Comment vas-tu mon Victor ? Tu n’es pas revenu cette nuit. Il est vrai que tu ne me l’avais pas promis et que je n’aurais pas osé y compter, mais le désir que j’ai de te voir me fait trouver des espérances dans l’impossibilité même. Du reste, je comprends ta sollicitude pour Charles [1] et j’approuve toutes les précautions que tu prends à ce sujet, même quand elles sont aux dépensc de mon bonheur particulier. Et puis, je te crois incapable de me tromper. Je suis beaucoup trop VIEILLE pour que tu prennes cette peine. Aussi, j’ai confiance en toi, mon doux adoré, et je t’aime pendant que tu travailles. Je t’attends avec tout mon courage et je hâte le moment où je te verrai de toute ma tendre impatience. J’aurais bien désiré pouvoir te conduire tantôt, mais puisqu’il faut opterd entre l’allere et le retour, je préfère le retour parce que je ne laisserai pas de regrets derrière moi. Tu ne sauras jamais combien je t’aime, mon Victor, c’est au-dessus de tout ce que tu peux penser et désirer. Quand je te vois, il me semble que j’aperçois un coin du paradis, quand tu me souris, c’est plus que du bonheur, quand ta bouche touche la mienne, je suis ravie et transportée dans une volupté sans borne. Je t’aime, je t’aime. Je t’aime.

Juliette

MVHP, MS a7799
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « appelation ».
b) « tendre ».
c) « au dépend »
d) « obter »
e) « allée ».


19 août [1847], jeudi, midi 3 h. ¾

Quelle belle journée, mon Victor, et quel dommage de n’en pas profiter pour l’excursion de Saint-Germain. Les vilains jours viendront avant que ta bonne et charmante promesse ne soit réalisée, du moins, j’en ai peur. Cependant, ce serait bien le moins que tu me donnasses une journée pleine et entière de bonheur avec tous les accessoires de soleil et de ciel bleu puisque tu ne m’en donnes qu’une. Mais je te dis là des choses, des folies [2] que tu sais aussi bien que moi et que tu ne peux pas me donner apparemment puisque tu ne le fais pas. Donc, je ne suis [qu’] une vraie VIEILLE très VIEILLE rabâcheuse que je te permets d’envoyer promener………… avec toi. Il serait très possible que je te demande à aller réclamer mes boutons de soie chez le teinturier parce qu’on a oublié de me les rendre et que je ne veux pas les laisser sur leur conscience à ces HONNÊTES gens. Jour Toto, jour mon cher petit o, j’ai trop chaud. Je ne sais où me fourrer pour avoir un peu de fraîcheur. Je ne connais que la forêt de Saint-Germain où il y aurait assez d’ombre et de bonheur pour me faire trouver la vie supportable dans ce moment de chaleur de fournaise ardente. Malheureusement, ce n’est pas pour moi que Saint-Germain, la forêt et le bonheur chauffent.

Juliette

MVHP, MS a7800
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

Notes

[2Citation de Ruy Blas. Dans l’acte I, scène 3, le héros, racontant à son ami Zafari qu’il est amoureux de la Reine, lui dit : « Mais je te dis là des choses, des folies… » (v. 402).

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