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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1836

26 mars [1836], samedi matin, 8 h.

Bonjour mon petit chéri Toto. Je suis levée de bien bonne heure quoique je me sente bien fatiguée. Mais c’est que je veux être toute prête pour assister à notre nouveau triomphe [1]. Car si vous êtes mon Toto bien aimé vous êtes aussi mon grand Toto, LE PLUS GRAND DE TOUS.
Que je vous aime, mon Victor, je suis jalouse, je suis inquiète de tout, même de vos succès. Je crains qu’au milieu de tant d’admiration vous n’oubliez l’humble hommage de votre pauvre Juju. Je crains que les bravos universels vous empêchent d’entendre ma voix qui vous crie : JE T’AIME. Cette crainte me poursuit surtout dans des jours comme celui-ci, où tout est pour vous caresses, adoration, enivrement. Mon Dieu, pourquoi n’êtes-vous pas insignifiant et inconnu comme moi ? Je ne craindrais pas de voir confondue dans cette immense illumination la flamme qui me consume.
Tâchez, mon cher bien aimé, de garder une petite place dans votre cœur pour y recevoir l’amour et l’admiration de votre pauvre maîtresse qui vous a aimé le premier jour où elle vous a vu et qui vous aimera tant qu’il restera quelque chose de son âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 232 bis-233
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]


26 mars [1836], samedi soir, 6 h. ¼

Que je te dise encore que je t’aime mon Victor. Tout à l’heure les mille voix te diront : admiration, moi, je te dis : je t’aime, tu es ma joie, tu es la chaleur de ma vie, tu es le bijou de mes yeux, tu es toi. Ce soir, mon cher adoré, quoique tu fasses, je serai jalouse et tourmentée. Aiea pitié de moi, fais que mes souffrances ne soient pas trop cruelles. Si tu penses à moi loin de moi, je le sentirai. Si tu m’aimes, je le sentirai sur mon cœur comme un baumeb bienfaisant sur une blessure vive.
À bientôt, chère âme, il est impossible de souhaiter plus de beauté à l’homme et plus de gloire au génie et si vous êtes heureux, je suis heureuse. À bientôt donc mon chéri bien aimé. J’ai là quatre yeux inquiets qui s’imaginent que j’oublie la merveille, mais je ne pouvais pas faire autrement que de dire un mot d’amour à l’amant avant d’aller applaudir le poëte. Le cœur a aussi ses représentations. A bientôt, à toujours, à la vie, à la mort. De l’amour, rien que de l’amour ce soir mon cher adoré.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 234-235
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]

a) « Aye ».
b) « beaume ».

Notes

[1Celui de la reprise d’Angelo au Théâtre-Français dont la première a lieu le soir même.

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