18 mai [1849], vendredi matin, 7 h.
Bonjour, mon petit Toto aimé, bonjour, mon ARTISTE généreux, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Tu dors probablement sur tes deux oreilles de re représentant [1] et je t’approuve. Tu n’auras que trop le temps d’entendre vociférer la nouvelle montagne et les futurs re Greppo démoc et soc [2] de la future Législative. En attendant, tu ronfles comme trois suisses et quatre Auvergnats et tu fais bien. Quant à moi qui passe toujours de grises nuits il y a déjà bien longtemps que je suis réveillée. C’est par bonté que je ne me suis pas levée plus tôt pour ne pas forcer ma pauvre servarde à en faire autant, ce dont elle aurait été assez vexée probablement. C’est aujourd’hui que ses gages expirent. Je vous préviens que je lui demanderai crédit en votre nom, ce qui sera bien flétrissant pour un vingt-cinq francs [3] bis, bis et rebis. Maintenant que vous êtes averti cela ne me regarde plus. Je vous laisse aux prises avec Suzanne et je ne m’oppose pas aux matinées artistiques que vous voudrez lui donner à l’instar de la banque Proudhon [4]. C’est un choix à faire qui peut-être vous réussira. Quant à moi je vous le répète, je ne m’y oppose pas du moment où ma solidarité n’est plus en jeu.
Je voudrais déjà être à tantôt pour savoir au juste à quoi m’en tenir sur ton élection. D’ici là, je vais bien souvent compter les minutes, les quarts d’heure. Et les heures encore pourvu que tu viennes de bonne heure et que tu ne sois pas souffrant, c’est ce que je demande par-dessus tout au bon Dieu.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 137-138
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse